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malheureux, marchant sur les traces du premier apostat, Judas Iscariote, est celui qui avait conduit les satellites à l’assaut de ma retraite. Avant d’en venir là, il avait déjà fait subir aux deux néophytes toutes sortes d’avanies et de persécutions, pour les forcer à l’imiter dans son crime, et à renier aussi leur Dieu.

« Ayant tous comparu devant le mandarin, ils ont confessé l’Évangile avec foi et courage ; car, sommés par le juge de maudire le Seigneur du ciel, ils lui ont répondu : « Si c’est un crime de maudire les princes de la terre, que sera-ce donc de blasphémer le Monarque qui règne éternellement dans les cieux ? Il nous est impossible de nous souiller par une pareille infamie. » Après avoir subi une première fois la torture, ils ont été reconduits en prison, où ils sont forcés de se nourrir à leurs frais ; et comme leurs familles, pour la plupart, sont très-pauvres, elles ne peuvent que difficilement les sustenter. »

Cette affaire n’eut pas des suites aussi graves qu’on pouvait le craindre. Deux des prisonniers furent condamnés à l’exil, et les autres rendus à leurs familles. Le dénonciateur s’était présenté chez un des ministres avec une longue liste de chrétiens qu’il demandait l’autorisation d’arrêter. Mais ce ministre n’était pas hostile à la religion, et craignait en la persécutant de s’exposer à quelque conflit avec les puissances européennes ; il fit chasser cet individu comme atteint de folie. On assure même qu’il lui fit donner une forte bastonnade, pour le détourner plus efficacement de ses projets de délation.

Dans le district de M. Daveluy, on avait quelques inquiétudes sur le sort de cinq néophytes emprisonnés, quand, un beau jour, on apprit qu’ils venaient d’être mis en liberté, sans payer la moindre rançon, et sans avoir eu à prononcer de formule d’apostasie. Ils retournèrent dans leur village, et continuèrent de professer publiquement la religion chrétienne.

La principale cause de cette modération inaccoutumée était, sans aucun doute, la présence d’une frégate française, la Virginie, qui fit, sur les côtes de la Corée, un séjour de plusieurs semaines. Les missionnaires, prévenus trop tard dans leurs cachettes éloignées, ne purent se mettre en rapport avec leurs compatriotes, et quand M. Daveluy, mal renseigné, trompé par les bruits les plus contradictoires, arriva, après plusieurs jours de marches et de contre-marches, à l’endroit vis-à-vis duquel la frégate avait mouillé, il ne rencontra personne. Le gouvernement coréen fut dans la plus vive anxiété. Il avait sur la conscience le sang des trois missionnaires martyrisés en 1839, et la