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« Chacun de nous s’installe de son mieux sur la maison flottante ; du reste, le choix du local est bientôt fait : un appartement unique, et qui n’a guère plus d’un mètre dans chaque dimension, forme notre commun corps de logis. Emmagasinés dans notre réduit à l’instar des sardines, nous ne pourrons pas nous tenir debout, nous ne serons protégés contre le froid piquant de la saison que par quelques planches ; il sera très-difficile de dormir ; mais patience, ce n’est que du provisoire : nous allons simplement rejoindre une grande jonque qui stationne à l’embouchure du fleuve Bleu, au mouillage de Tsong-ming. Deux jours de navigation nous suffisent pour arriver à cette barque, qui doit nous transporter sur les côtes de la Corée. Nous l’atteignons, en effet, sans accident, et montant sur le pont, je contemple pour la première fois cette monstrueuse fabrication de l’art chinois : une carcasse plate, informe, de la grandeur de nos petits cabotiers ; un pont raboteux, à ouvertures multipliées, presque complètement occupé par les machines grossières du bord ou par une barque secondaire ; cinq mâts d’une seule pièce, parés chacun d’une toile retenue par des bambous, voilà ce qu’il m’est permis d’envisager du premier coup d’œil. Mais les matelots, ayant le capitaine à leur tête, viennent saluer très-révérencieusement Sa Grandeur, et immédiatement on nous introduit dans un appartement qui s’élève sur le derrière de la jonque. À peine y avais-je pénétré qu’une odeur assez peu suave et des bouffées de fumée me préviennent que j’entre dans la cuisine ; puis, à la lueur du foyer, voyant jonché sur le plancher un assortiment complet de tout le matériel qu’on peut supposer sur une barque, il ne me fut pas difficile de deviner que la salle servait tout à la fois de tabagie, d’arsenal, de vestiaire, de dépense et de dortoir. Cependant on me montre, au milieu de la salle, une petite trappe ; je comprends qu’il faut se glisser par là, et aussitôt, engageant mon corps dans l’intérieur, mes pieds parviennent à rencontrer une échelle à peu près verticale, à l’aide de laquelle je m’insinue dans un petit réduit ménagé dans la cale. Quelques cachettes y étaient pratiquées sur les côtés pour dormir, et un petit autel pour dire la sainte messe était le seul meuble que pût comporter l’étroitesse du lieu : c’étaient là les appartements de Sa Grandeur, de deux missionnaires, de nos deux courriers et du patron de la barque.

« Comme les quelques rayons de lumière qui pénètrent dans l’appartement extérieur viennent expirer à l’entrée de la trappe, notre unique soupirail, le jour est remplacé par la lueur d’une