Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chrétien, et suivi à distance de M. Petitnicolas et de M. Pourthié. J’avais bien envie de regarder un grand mandarin qui sortait en ce moment-là, monté sur une espèce de brouette, et environné d’un nombreux cortège. Cependant je jugeai prudent de n’en rien faire, de peur d’être reconnu. J’étais d’ailleurs fort occupé à disputer au vent, qui voulait s’en emparer, le chapeau protecteur qui alors m’était si nécessaire. Plus modeste encore, un de mes confrères, M. Pourthié, s’interdit tellement l’usage de ses yeux, qu’il nous perdit de vue dans la foule qui remplissait la rue, et qu’il s’engagea dans de petites rues détournées, à la suite des païens qu’il prenait pour ses guides. On s’aperçut heureusement de sa disparition, et on parvint à le retrouver. Un instant après, nous nous réunissions à l’excellent M. Daveluy, et tous ensemble nous rendions grâces au Seigneur qui nous avait accordé un si heureux voyage. »

L’extrait suivant d’une lettre de M. Pourthié à son cousin, M. l’abbé Bouteille, professeur au petit séminaire de Lavaur, complète d’une manière intéressante le récit de Mgr Berneux.

« Arrivé à Chang-haï, le 12 janvier 1856, sur le paquebot à vapeur qui porte les dépêches, je recommençai, huit jours après, un nouveau voyage, et cette fois, je devais enfin aboutir à ma mission. Voici donc quatre missionnaires, sortant de Chang-haï, qui s’entassent dans une petite barque. Le premier est Mgr Berneux, mon nouvel évêque, vétéran des missions, puisqu’il y a seize ans que Sa Grandeur est sur le champ de bataille. D’abord envoyé au Tong-king, et bientôt après, au fort de la persécution, jeté dans les fers, ce prélat a fait connaissance avec la cangue et le rotin dans les prisons du roi de Cochinchine. La palme du martyre allait probablement couronner sa captivité, lorsqu’un commandant français arriva sur les côtes de ce pays, et délivra les missionnaires prisonniers. Mgr Berneux fut ensuite envoyé en Mandchourie, où il a travaillé plus de dix ans. C’est de là que la Sacrée Congrégation de la Propagande vient de le tirer pour le mettre à la tête de la mission coréenne. Le deuxième missionnaire est un bon Père jésuite de la mission du Kiang-nan ; son poste étant l’île de Tsong-ming, nous faisons voyage ensemble jusqu’à cette île. Le troisième est un jeune confrère qui, maintenant attaché à la Corée, a d’abord exercé le saint ministère dans les Indes. Le quatrième, quoique affublé d’une toque chinoise, d’une robe bleue de la même fabrique, et paré d’une barbe assez bien fournie, vous pourriez peut-être encore le reconnaître pour votre cousin.