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sur un navire anglais. De là, il fit voile pour Chang-haï, où il aborda le 22 janvier 1844. Il avait hâte de se rendre dans sa nouvelle mission. On le revêtit du costume chinois, on lui rasa la tête, on ajouta une tresse à la mèche de cheveux conservée sur le sommet, et il s’embarqua le 15 février 1844 sur une barque chinoise de Chang-haï qui devait le conduire au Léao-tong. L’équipage se composait de quinze hommes, douze chrétiens et trois païens. « Jamais, » écrit M. Berneux, « je n’avais fait de traversée aussi fatigante pour le corps, aussi consolante pour le cœur : la foi, la piété de ces chrétiens chinois ont été pour moi le sujet d’une grande édification. Cette traversée d’un mois me dédommage surabondamment des fatigues précédentes. Le missionnaire n’est-il pas l’enfant gâté de la bonne Providence ? Au milieu de ses travaux et de ses peines, il a des consolations que lui seul connaît, et qui lui font oublier bien vite les fatigues des jours précédents. Chaque jour je pus célébrer la sainte messe sur cette barque ; matin et soir, prière en commun et récitation du chapelet. C’était presque une vie de séminaire. Leur profession n’était pas pour ces chrétiens, comme pour un si grand nombre de nos matelots européens, une raison de se dispenser des jeûnes et de l’abstinence. Trois fois la semaine, lorsque les manœuvres du navire ne s’y opposaient pas, ils faisaient en commun le chemin de la croix.

« Quelques jours après le départ, le vent étant devenu contraire, nous allâmes jeter l’ancre près d’une île, où dix-huit barques chrétiennes attendaient un vent favorable. Sachant qu’il y avait des missionnaires à bord, ces chrétiens venaient en grand nombre, chaque matin, pour assister à la sainte messe. Le mercredi des cendres, plus de cent vingt chrétiens purent recevoir les cendres sur le pont de la jonque où l’autel avait été dressé. Le 45 mars, nous touchions enfin au Léao-tong, cette mission nouvelle où la volonté du Seigneur m’appelle à travailler au salut des âmes. J’eus à faire soixante lieues par terre pour arriver au lieu où réside habituellement le vicaire apostolique, Mgr Verrolles. Je louai un chariot et cinq chevaux pour me traîner, moi et mes deux courriers, au milieu des montagnes qu’il nous fallait franchir. Ce trajet de six jours, à travers un pays, tout païen, était un peu difficile. Deux choses pouvaient me faire reconnaître pour Européen ; mon ignorance de la langue et ma moustache rouge. Nos courriers obvièrent au premier inconvénient en me faisant passer pour un marchand du Kiang-nan où l’on parle une langue qui n’est pas comprise des autres provinces.