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de rire en pensant à la mine que nous devions avoir. La nuit était obscure ; nous ne pouvions guère distinguer l’endroit où nous posions le pied. Quelquefois, après avoir heurté contre une motte de terre, nous levions la jambe pour éviter un second choc, et alors nous tombions dans un trou.

« Nous nous trouvâmes à une heure du matin dans la paroisse de Phuc-nhac. M. Galy y restera jusqu’à ce qu’il se présente une barque pour le conduire chez M. Masson. Monseigneur est à quatre ou cinq lieues de là, chez M. Charrier ; et moi je me tiens caché dans un couvent à Yen-moi. L’intention de Mgr le vicaire apostolique est de m’envoyer aussi chez M. Masson, où l’on jouit d’un peu plus de sécurité. Mais les événements le permettront-ils ? Je n’en sais rien. En attendant je vais étudier la langue annamite de toutes mes forces, afin de pouvoir bientôt me rendre utile. Le temps ne me manquera pas maintenant ; personne autre que les gens de la maison ne connaît ma retraite, je ne reçois de visites que celles du bon Maître qui, chaque matin avant le jour, vient me fortifier et me rendre délicieuse la petite cabane de boue et de bambous. Quoique je ne puisse faire plus de six pas, que je ne parle plus qu’à voix basse, et que je ne reçoive la lumière du soleil que par une étroite ouverture pratiquée à trois pouces au-dessus du sol, quoique enfin pour lire et pour écrire il me faille m’étendre sur ma natte de toute ma longueur, je m’estime pourtant le plus heureux des hommes. Puissé-je profiter de mon nouveau genre de vie, pour me sanctifier et travailler avec fruit au salut des âmes ! »

Mgr Retord avait laissé MM. Galy et Berneux, tout près de la mer, afin qu’ils pussent plus aisément s’embarquer pour une des provinces voisines de la Cochinchine. Déjà la barque qui devait les y conduire était prête, et dans la nuit du lundi au mardi de Pâques, ils devaient se rendre sur le rivage, lorsque le jour même de cette grande solennité, 11 avril 1841, au moment où ils venaient de célébrer la messe, leur habitation fut cernée par cinq cents soldats ayant à leur tête le grand mandarin de Nam-dinh. Toute fuite était impossible, et les missionnaires n’eurent pas même le temps de se jeter dans les retraites souterraines qu’on leur avait préparées. Avec eux furent arrêtés dix-neuf chrétiens.

Les missionnaires passèrent un mois dans la prison de Nam-dinh, enchaînés dans des cages, et subirent plusieurs interrogatoires. On les transféra ensuite à la capitale, où ils arrivèrent après dix-neuf jours d’une marche très-pénible. Là, ils furent interrogés de nouveau, reçurent plusieurs fois la bastonnade