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Mgr Retord partit de Manille dans les premiers jours du mois d’août 1840, accompagné seulement d’un Père dominicain espagnol. Les autres missionnaires devaient suivre immédiatement, mais les vents contraires et les difficultés créées au commerce de la Chine par la guerre des Anglais les retinrent à Manille plus de soixante-dix jours, et ils n’arrivèrent à Macao que vers la fin de septembre. Pendant ses quelques semaines de séjour à la procure, M. Derneux donna des leçons de théologie aux élèves qui s’y trouvaient, entre autres à André Kim et à François Tsoi. La Providence l’appelait déjà à travailler pour la mission de Corée.

Le 3 janvier 1841, Mgr Retord quitta Macao, emmenant avec lui MM. Caly et Berneux, un dominicain espagnol, et six jeunes Cochinchinois. Un navire européen eût fait la route en deux jours, la barque qui les conduisait en mit treize, et il est facile de comprendre les privations des missionnaires, entassés dans une étroite embarcation, et dévorés par la vermine. « Enfin, le 16, » écrit M. Berneux, « nous touchâmes au Tong-king occidental. Là d’autres pêcheurs nous prirent dans leur barque, le 17 à une heure du matin ; et après avoir erré longtemps au milieu des herbes, nous arrivâmes enfin chez nos néophytes, dans un village appelé Phat-diem, de la province de Ninh-binh. Il y avait trois nuits que nous n’avions pas fermé l’œil. Nous reposâmes pendant quelques heures sur le même lit, Monseigneur, M. Galy et moi. Le prêtre de cette bourgade, vieillard de soixante-dix ans qui a environ trente ans de ministère, venait d’être pris au moment où il sortait de sa cachette pour aller se confesser ; nous ne pouvions donc pas rester longtemps dans une chrétienté exposée à de nouvelles visites ; et le soir même nous nous remîmes en route. Nous goûtâmes alors un des plaisirs dont parle Mgr Retord dans l’une de ses lettres ; vêtus d’une tunique et d’un pantalon qui ne dépassait pas les genoux, la tête couverte d’un chapeau de feuilles d’arbres, large au moins de six pieds, un bambou à la main, nous ressemblions plutôt à des brigands qui vont incendier et piller un village qu’à des missionnaires allant conquérir des âmes. Une douzaine de chrétiens nous accompagnaient pour nous défendre au besoin contre les voleurs. Nous marchâmes pendant quatre heures par des sentiers très-difficiles. Mes pieds, qui ne sont pas encore accoutumés à se passer de chaussures, ne goûtaient pas trop cette mode du pays ; toutefois malgré la douleur que j’éprouvais lorsqu’il m’arrivait de me blesser contre cette terre, que le soleil avait durcie et qui souvent était aiguë comme de petits cailloux, je ne pouvais m’empêcher