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P. Pacifique Yu) qui devait me précéder en Corée, et aux députés coréens eux-mêmes, qui vont à Péking tous les ans, à la 12e lune, saluer l’empereur au nom de leur roi. Il y a toujours quelques chrétiens parmi eux. Je disais à ces derniers en substance : « Le ciel a exaucé vos prières, il vous envoie des missionnaires et un évêque ! C’est moi qui ai obtenu cette faveur. Je pars incessamment pour aller vivre et mourir au milieu de vous ; ne soyez pas effrayés par les difficultés que présente l’introduction d’un Européen dans votre royaume. Recommandez cette grande affaire à Dieu, priez ses Anges et ses Saints ; mettez-vous surtout sous la puissante protection de la Mère de Dieu : le Seigneur, qui a commencé son œuvre, la terminera heureusement. » Je m’efforçai, tant que je pus, de ranimer leur zèle ; j’ai toujours été persuadé que le plus grand obstacle qui s’opposerait au succès de mon voyage serait la timidité des Coréens. Je redoutais aussi que l’entrée du P. Pacifique ne fût pour moi un nouvel obstacle : il y avait lieu en effet de craindre que les Coréens, satisfaits d’avoir un prêtre chinois, ne montrassent plus une aussi grande ardeur à introduire des Européens.

« Je recommandai à Joseph d’user d’une grande diligence pour pouvoir rencontrer les députés coréens. Il devait les encourager, convenir avec eux du lieu où je me rendrais, et des signes pour nous reconnaître mutuellement sans causer de soupçon. Il remplit sa commission aussi bien qu’il lui fut possible. Il partit en assez triste équipage, avec un peu d’argent, au commencement d’un hiver rigoureux ; il était même malade. Son premier coup d’essai, en fait de voyages, fut de douze cents lieues ; car, dès qu’il fut arrivé à Péking, il dut accompagner le P. Pacifique en Tartarie ; de là il vint me joindre à Nanking. Depuis ce moment jusqu’à ce jour, il a été toujours en course. À quelques journées de Péking, il n’eut plus d’argent ; il fut obligé de vendre une de ses couvertures, qui lui était plus nécessaire que jamais (les Chinois en voyage portent toujours leur lit ; on n’en trouve point dans les auberges). À trente lieues de son terme, il se trouva encore sans ressource. Il était fort embarrassé de sa personne ; il promenait son inquiétude dans une petite ville, lorsqu’il fut accosté par un Chinois, qui lui demanda pour quelle cause il était si mélancolique : « Je suis triste, dit-il, parce qu’il faut que je me rende incessamment à Péking, et je n’ai plus d’argent pour continuer ma route. — N’ayez pas de chagrin, lui dit cet inconnu, moi aussi je veux aller à Péking, je cherche un compagnon ; nous ferons voyage