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de ces pauvres gens à participer aux sacrements aussitôt qu’ils le peuvent. Cette année, je devais visiter environ cinq cents chrétiens disséminés à de grandes distances les uns des autres. J’allais partir, lorsque des affaires politiques assez graves firent couvrir les routes de satellites et d’espions ; il fallut nous cacher de nouveau, et, après être restés inactifs pendant un mois, ajourner indéfiniment mon voyage. Quelle nouvelle pour ces pauvres néophytes ! huit ans entiers, ils avaient attendu le Père, et au dernier moment, de nouveaux obstacles l’empêchaient de venir à eux ! Un grand nombre d’entre eux accoururent aussitôt où je me trouvais. Des femmes avec leurs enfants à la mamelle, des vieillards, des jeunes filles ne craignirent pas de faire quatre, six et même huit journées de chemin, pour venir chercher la grâce des sacrements, et cela par un froid rigoureux, à travers la neige des montagnes. Arrivés près de moi, ils étaient épuisés de lassitude ; souvent leurs pieds étaient enflés, écorchés et saignants ; mais n’importe. Auprès du Père, toute leur fatigue cessait ; ils tombaient à mes pieds, fondant en larmes, recouvraient la paix de leur conscience, puis recommençaient leur longue route avec joie. Ainsi vinrent deux cents et quelques personnes.

« Un jour, je reçus la visite d’un vieillard dont le maintien, les paroles, la foi ardente m’émurent profondément. Cet homme a soixante-onze ans : depuis trois ans qu’il est chrétien, ses journées se passent en prières, en lectures pieuses et en œuvres de pénitence. Il avait redoublé ses austérités, le carême dernier, pour se préparer à la mort, jeûnant tous les jours, tous les jours faisant le chemin de la croix et beaucoup d’autres exercices religieux. Plusieurs fois son fils voulut modérer cette ferveur qui lui paraissait excessive ; ce fut en vain : « Le Sauveur a tant souffert pour nous, » disait le vieillard ; « ne puis-je pas souffrir un peu pour l’amour de Jésus. » Avec quelle joie je lui fis faire sa première communion !

« Un autre jour, je trouvai un chrétien, noble d’origine, retiré au milieu des montagnes, dans une cabane ouverte à tous les vents. Son unique ressource était un champ qu’il avait défriché à la sueur de son front, et qui lui servait à faire vivre sa famille. Cet homme étant encore païen, avait quitté sa province pendant la famine de 1839, et passé deux ou trois ans dans un pays éloigné. À son retour, voyant quelques vides parmi ses amis et connaissances, il demanda ce qu’ils étaient devenus ; on lui répondit que, comme chrétiens, ils avaient péri dans les supplices. Cette