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terminer l’administration des chrétiens. Serons-nous arrêtés ? Et si on nous prend, quel sera notre sort ? Dieu seul le sait. Je me porte fort bien. J’ai fait ici en courses, abstinences, jeunes, etc., ce que je n’aurais pu faire même en France. On ne meurt donc pas pour quitter son pays et changer de climat. Au contraire, on ne s’en porte que mieux. Monseigneur ne peut guère se faire à la nourriture ; mais il a la grâce spéciale de vivre sans manger. Pour moi, je m’y suis accoutumé un peu mieux, je mange du riz, puis du riz, et encore du riz. Je bois du vin de toutes les qualités, fabriqué de toute espèce de drogues, du vin que les aveugles avaleraient plus volontiers que les autres mortels, mais n’importe. À vrai dire, après un carême pareil, je suis tenté de croire que, peu à peu et avec de la patience, on parviendrait à vivre sans manger. En France, ce serait difficile ; voilà une merveille de plus à noter sur ce pays si peu connu. »

Cette fois, les missionnaires en furent quittes pour les petites misères dont nous venons de parler. Toutes les lettres européennes saisies furent attribuées au P. André lui-même. La Providence ne permit pas que l’Église de Corée fût privée sitôt des pasteurs qu’elle avait si longtemps attendus. Après la mort des martyrs, le calme se rétablit assez vite ; les chrétiens qui avaient fui revinrent dans leurs foyers, et les missionnaires recommencèrent l’administration des sacrements. Mais avant de se séparer pour la visite des diverses provinces, ils voulurent se placer d’une manière spéciale sous une toute-puissante protection.

Depuis sept ans la Corée avait reçu du Saint-Siège pour sa patronne la très-sainte Vierge Marie, sous son titre glorieux d’Immaculée. C’était Elle, c’était cette étoile de la mer qui avait servi de phare à André Kim dans son périlleux voyage ; c’était Elle qui avait été la boussole de la petite barque Raphaël, à son retour en Corée. Son image était constamment déployée au pied du mât ; on l’invoquait le jour, on l’invoquait la nuit, et les missionnaires croyaient avec raison que c’était par son secours qu’ils avaient échappé à tous les dangers de la mer et de la persécution. Ils résolurent donc de lui témoigner leur reconnaissance, en érigeant en Corée l’archiconfrérie de son Cœur Immaculé, archiconfrérie dont le siège est à Paris, dans l’église de Notre-Dame-des-Victoires. La difficulté était de trouver un lieu propice pour exécuter leur projet ; ils n’avaient pas de chapelles, et les réunions nombreuses de chrétiens étaient impossibles. Ils firent choix d’une petite cabane où habitait, dans un lieu retiré, la famille d’un fervent néophyte. C’est là que la confrérie fut