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abandonnèrent leurs récoltes sur pied, et s’enfuirent ; d’autres restèrent dans leurs maisons, mais après avoir pratiqué des trous dans les haies et dans les murailles, afin de s’échapper au premier signal. Ils couchaient tout habillés, les pieds chaussés, ayant pour oreiller le petit paquet où étaient liés ensemble les objets de première nécessité. Grâce à Dieu, ces précautions furent à peu près inutiles. Il y eut, comme toujours en pareil cas, une recrudescence de vexations locales, des chrétiens battus et pillés, des femmes enlevées, des maisons détruites, des récoltes incendiées ; la mission perdit presque tout ce qu’elle possédait ; mais tout cela était relativement de peu d’importance. On eût dit que les mandarins, obéissant à un mot d’ordre, refusaient de se mêler des affaires des chrétiens. Ils laissaient agir leurs satellites, et ceux-ci se plaignaient et accusaient les magistrats de favoriser secrètement la nouvelle religion.


Dès le commencement des troubles, Mgr Ferréol et M. Daveluy, qui avaient déjà administré plus de six mille chrétiens répandus dans les provinces, durent cesser la visite des chrétientés, et se réfugier dans un lieu moins exposé. Les lettres en caractères européens saisies dans la barque d’André Kim, pouvaient faire soupçonner la présence des étrangers. Une parole imprudente, arrachée par la crainte ou par les tortures, pouvait devenir le signal de poursuites acharnées contre les missionnaires, et la cause des plus grands désastres. « Nous étions ensemble, » écrit Mgr Daveluy, « dans un misérable réduit, équivalant à une prison. C’était au mois de juillet, au moment des plus fortes chaleurs. Impossible de rester dans une salle chauffée sans cesse par le fourneau de la cuisine. Plusieurs fois nous essayâmes de passer la nuit dans la chambre, mais la vermine y était si abondante que nous ne pûmes fermer l’œil ; force fut de nous établir en dehors, sur l’arrière de la maison. Une natte large d’environ trois pieds, nous a servi de lit pendant deux mois, et le jour et la nuit. Elle était posée sur la terre humide et pendant les grandes pluies qui abondent à cette époque, une autre natte nous servait d’écran. La nourriture répondait au luxe de l’appartement. On craignit que la maladie ne vînt nous visiter, et nous nous séparâmes pour chercher d’autres gîtes. Après quelques semaines, nous nous réunîmes de nouveau. »

« Aujourd’hui nous pensons que l’alerte est terminée ; notre présence n’est pas connue, peut-être est-elle soupçonnée. Toutefois, nous pensons nous remettre bientôt en campagne, pour