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qu’ils ont tué trois Français, et qu’ils n’en ont pas été punis. Si réellement des navires français sont venus en Corée, Votre Grandeur doit le savoir.

« On m’a donné à traduire une mappemonde anglaise ; j’en ai fait deux copies avec des couleurs brillantes, l’une est destinée pour le roi. En ce moment, je suis occupé à composer par l’ordre des ministres un petit abrégé de idéographie. Ils me prennent pour un grand savant. Pauvres gens !

« Je recommande à Votre Grandeur ma mère Ursule. Après une absence de dix ans, il lui a été donné de revoir son fils quelques jours, et il lui est enlevé presqu’aussitôt. Veuillez bien, je vous prie, la consoler dans sa douleur. Prosterné en esprit aux pieds de Votre Grandeur, je salue pour la dernière fois mon bien-aimé Père et Révérendissime Évêque. Je salue de même Mgr de Bézi. Mes salutations très-respectueuses à M. Daveluy. Au revoir dans le ciel.

« André Kim, prêtre, prisonnier de Jésus-Christ. »


De sa prison, le P. André Kim écrivit une autre lettre aux chrétiens de Corée ses compatriotes, pour leur faire ses derniers adieux et les encourager à demeurer fermes dans la foi, malgré les tentations et les épreuves de tout genre.

« Mes amis. Dieu, qui au commencement disposa toutes choses, créa l’homme à son image ; voyez quel a été en cela son but et son intention. Si en ce monde orageux et misérable, nous ne connaissons pas notre souverain maître et créateur, à quoi bon être nés ! notre vie est inutile. Venus au monde par un bienfait de Dieu, et par un autre bienfait plus grand encore, faisant, grâce à notre baptême, partie de son Église, nous avons un nom bien précieux ; mais si nous ne portons pas de fruit, à quoi nous servira ce nom ? Non-seulement notre entrée dans la religion ne nous sera d’aucun profit, mais nous serons des renégats, coupables envers Dieu d’une ingratitude d’autant plus odieuse que ses grâces sont plus abondantes.

« Considérez le cultivateur. Au temps convenable, il laboure son champ, y porte des engrais, et ne regarde ni au froid, ni à la chaleur, ni à sa peine. Après y avoir jeté de la bonne semence, si au temps de la moisson, le grain est bien venu et bien formé, il oublie toutes ses sueurs, et son cœur est plein de joie. Mais si le grain ne vient pas bien, s’il ne trouve à l’automne que paille et épis vides, il regrette ses sueurs, ses engrais et ses travaux, et ne