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c’est-à-dire que de bonne heure il faut célébrer la sainte messe, donner la sainte communion, la confirmation, la bénédiction des mariages, puis agréger an confréries du saint Rosaire et du saint Scapulaire. Comprenez-vous que le temps doit passer vite ? et je n’ai pas énuméré les examens des catéchumènes que je fais pendant mes repas, la solution des difficultés sans nombre relatives au mariage, et enfin mille incidents journaliers. Il faut user de ruse pour réciter le bréviaire, faire un peu d’oraison ; lire quelques-unes des paroles de vie contenues dans le saint Évangile, et prendre quelque repos ; voilà ma vie de tous les jours. Après-demain je dois me remettre en campagne, toujours sous l’égide de mon grand chapeau de deuil, que Monseigneur appelle le manteau des fées rendant invisibles ceux qu’il couvre. »

Quelques semaines plus tard, le missionnaire résumait ainsi les impressions que cette première visite avait laissées dans son cœur.

« Qu’ai-je vu pendant ces deux mois ? environ sept cents chrétiens bien pauvres, bien misérables, mais enfin ayant, je le crois, bonne volonté. Des peines ! il y en a eu, et de grandes. Je m’y attendais : car ces chers néophytes sont privés des sacrements depuis sept ou huit ans, et Dieu sait ce que vaut une année de persécution. Des consolations ! j’en ai eu aussi et de plus grandes encore. Ce sont ici de vieux soldats de Jésus-Christ que la persécution n’a pas ébranlés ; là, c’est une veuve qui a vu mourir son époux sous le fer des bourreaux ; plus loin, des orphelins dont les père et mère ont obtenu la couronne du martyre ; aujourd’hui, c’est une jeune fille qui raconte le supplice de ses frères ; demain, une mère que ses enfants ont précédée au ciel. Toujours ce sont des chrétiens qui se repentent de leurs fautes, et pleurent de joie à la vue du prêtre qu’ils attendaient depuis si longtemps.

« Ces pauvres gens ne savent comment me témoigner leur respect et leur attachement. Ils s’empressent autour de moi : les plus pauvres m’apportent leur petite offrande. Quand le soir je suis à causer avec vingt ou trente personnes entassées dans ma cabane, souvent je n’ai pas le courage de quitter la conversation ; elle se prolonge très-tard, et jamais ils ne disent : assez. Je leur parle une langue impossible, mêlée de chinois, de coréen, de je ne sais quoi. Ils comprennent ou ne comprennent pas, mais enfin ils sont contents et moi aussi, et quand le moment de la séparation est venu, c’est une famille à laquelle il faut s’arracher, ce sont des pleurs, des gémissements. Hélas ! peut-être de leur vie ils ne reverront le Père pour soulager leur conscience et s’unir à leur