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avec les Anglais, n’y comprennent rien et se cassent la tête pour deviner mon secret. Un jour ils ont envoyé me demander quand nous partirions. Je leur ai dit : « Je dois encore séjourner ici pour réparer mon embarcation ; de plus, j’ai ouï dire que le grand mandarin français Cécile arrivera sous peu, je veux rester pour le voir. » Les mandarins attendent impatiemment le jour de mon départ, parce qu’ils ont peur d’être compromis et de perdre leurs dignités. Il est inutile, je pense, et d’ailleurs je n’ai plus le temps de vous en raconter davantage ; je m’arrête donc ici.

« Déjà j’ai réparé toute mon embarcation, je fais faire maintenant un canot. Nous nous portons tous bien dans le Seigneur, et nous attendons chaque jour l’arrivée du révérend évêque de la Corée. Le consul anglais va bien et prend grand soin de nous. Mgr de Bézi n’est pas de retour, il est resté malade en route. À Nanking s’est élevée une petite persécution. Je vous demande, mon Père, des images et des médailles pour les matelots, et pour tous ceux qui ont rendu de grands services à la mission : envoyez-moi aussi l’image de saint Thomas, docteur de l’Église, de saint Charles, de saint Joseph, père nourricier de Notre-Seigneur, et de l’apôtre saint Jean. J’ai apporté de Corée quelques petits objets pour vous ; je ne puis maintenant vous les envoyer ; j’espère, après l’arrivée de Monseigneur, avoir les moyens de vous les faire passer.

« Je suis de votre paternité l’indigne et inutile serviteur,

« André Kim-hai-kim. »


L’apparition de la barque d’André dans la rade de Wou-song avait été un phénomène pour le pays. La construction singulière de cette barque, les costumes étrangers de ceux qui la montaient, éveillaient au plus haut point la curiosité publique, et André aurait couru les plus grands dangers s’il n’avait eu la présence d’esprit de mouiller au milieu des bâtiments anglais en station. La surprise des officiers fut grande lorsqu’ils entendirent André leur crier en français : « Moi Coréen, je demande votre protection. » Cette protection lui fut généreusement accordée. Le consul le fit porter en palanquin dans une famille chrétienne, d’où il écrivit en toute hâte au P. Gotteland.

« Je me rendis bien vite, écrivait ce missionnaire à un de ses confrères, chez le chrétien qui logeait André et qui avait beaucoup plus peur que lui, à son sujet. Je lui fis donner l’argent nécessaire pour subvenir aux premiers besoins de son équipage ; puis je le fis reporter à sa jonque, en lui recommandant de ne