Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Péking, et si après enquête ils sont trouvés coupables, il y a peine de mort pour l’équipage. Il en est de même des navires chinois qui viendraient en Corée. Mais j’espère que, se souvenant de son amour et de sa bonté, la bienheureuse Vierge Marie, la meilleure des mères, nous conduira au Kiang-nan et nous ramènera sains et saufs.

« Enfin je prie votre paternité, si elle le juge convenable, de vouloir bien m’envoyer un compas, une carte géographique donnant principalement la description de la mer Jaune et des côtes de la Chine et de la Corée, et une paire de lunettes vertes de forme chinoise, pour soulager mes yeux.

« De votre Révérence l’inutile et très-indigne serviteur,

« André Kim-hai-kim. »


La seconde lettre, datée de Chang-haï, nous donne la suite des aventures d’André.


« Très-révérend Père,

« Après avoir fait tous mes préparatifs, je m’embarquai avec onze chrétiens parmi lesquels se trouvaient seulement quatre pêcheurs ; les autres n’avaient jamais vu la mer. Forcé d’agir en secret et à la hâte, je n’ai pu me procurer de bons matelots, ni faire d’autres provisions utiles ; j’ai même abandonné des choses qui m’étaient absolument nécessaires. Mettant donc à la voile le vingt-quatrième jour de la troisième lune, nous entrâmes en mer. En la voyant, les chrétiens étonnés se demandaient les uns aux autres : « Où allons-nous ? » Mais ils n’osaient m’interroger moi-même ; j’avais défendu que l’on me fît aucune question sur le but de mon entreprise.

« Après un jour de navigation par un temps favorable, nous fûmes assaillis d’une grande tempête, accompagnée de pluie, qui dura trois jours et trois nuits, et pendant laquelle, à ce qu’on rapporte, plus de trente navires de Kiang-nan se perdirent. Notre barque, vivement battue par les flots, était agitée d’une manière effrayante, et semblait sur le point d’être submergée, car elle est beaucoup trop petite, et n’est point faite pour la mer. Je fis détacher le canot que nous avions à la traîne. Enfin, le péril croissant, nous coupâmes les deux mâts, et nous nous vîmes forcés de jeter à la mer presque toutes nos provisions. Un peu allégée, notre barque était soulevée et poussée par la violence de la tempête à travers des montagnes d’eau. N’ayant presque point mangé