Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient repartis avec les chevaux, laissant les trois autres aller jusqu’à Pien-men. Ces quatre étaient Charles Seu, Thomas Y et deux domestiques. Le jour venu, laissant à Ei-tsiou deux chrétiens qui devaient me suivre après que toutes les affaires seraient arrangées, je me mis en chemin avec un seul compagnon. Je pouvais à peine marcher, et après avoir fait trois lieues, j’entrai dans une auberge pour y passer la nuit. Le lendemain je me procurai deux chevaux et je continuai ma route. Le cinquième jour nous trouvâmes à Pen-gi-ang, Charles et Thomas qui nous attendaient avec leurs chevaux. Voyageant ensemble pendant sept jours, nous arrivâmes enfin à Séoul, la ville capitale. Je fus reçu dans une chaumière qu’avaient achetée les chrétiens. Mais à cause de leur curiosité et de leur indiscrétion, et aussi à cause des périls que je cours, — car le gouvernement sait que nous sommes allés trois à Macao il y a huit ans, et on nous attend pour nous prendre, — j’ai voulu que les seuls fidèles qui m’étaient nécessaires connussent ma présence, et je n’ai point permis qu’on annonçât mon arrivée à ma mère.

« Après être resté quelques jours emprisonné dans ma chambre, et en proie, je ne sais pourquoi, à de fréquents accès de tristesse, je fus atteint d’une maladie qui consistait principalement en d’intolérables douleurs dans la poitrine, l’estomac et les reins. Les attaques de ce mal se renouvelaient de temps en temps ; elles me firent souffrir pendant plus de quinze jours. Pour me guérir je vis deux médecins, dont l’un était païen et l’autre chrétien ; j’employai tous leurs remèdes. Aujourd’hui ma santé est bonne quoique faible ; mais je ne puis ni écrire ni agir comme je voudrais ; de plus, depuis vingt jours, je suis contrarié par un affaiblissement de ma vue. Cependant pauvre et infirme que je suis, aidé dans mon travail du secours de Dieu miséricordieux, je dispose tout pour la réception du très-grand prélat Mgr Ferréol et de ses missionnaires. J’ai acheté à Séoul une maison, j’ai aussi acheté un navire qui coûte cent quarante-six piastres, et maintenant je fais les préparatifs de mon voyage pour la province chinoise de Kiang-nan.

« Mais de peur que nos matelots chrétiens ne s’effrayent d’un aussi long trajet, je ne leur ai point dit vers quelles contrées nous nous dirigerions. Du reste ils ont bien quelque raison de craindre, car ils n’ont jamais vu la haute mer, et pour la plupart ne connaissent point la navigation ; ils se sont persuadé que j’étais en habileté le premier des pilotes. D’ailleurs il existe entre la Chine et la Corée un traité d’après lequel les équipages des navires coréens qui abordent en Chine doivent être ramenés en Corée par