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entrée dans sa mission, Sa Grandeur résolut de m’envoyer seul pour examiner l’état des choses, et autant que possible préparer son entrée. Ayant donc reçu sa bénédiction, je me mis en route avec les chrétiens vers le milieu de la nuit, et le jour suivant nous aperçûmes à l’occident la ville d’Ei-tsiou. Je dis alors aux courriers de prendre les devants, en les priant de m’attendre en un lieu désigné. Pour moi, me dirigeant vers les vallées les plus sombres, je me cachai sous des arbres touffus ; j’étais à deux lieues de distance de la ville. Entouré d’un rempart de neige, j’attendais la nuit, et pour chasser l’ennui qui me gagnait, je disais le chapelet.

« Dès que les ténèbres eurent couvert la campagne, j’invoquai le secours divin, et sortant de ma retraite, je me dirigeai vers la ville. Pour ne point faire de bruit, je marchais sans chaussure. Après avoir passé deux fleuves et couru par des chemins détournés et difficiles, car la neige assemblée par le vent avait, dans certains endroits, de cinq à dix pieds de profondeur, je parvins au lieu marqué ; mais les chrétiens n’y étaient pas. Triste, j’entrai une première, puis une seconde fois dans la ville, les cherchant de tous côtés, mais inutilement. Étant enfin retourné au lieu du rendez-vous, je m’assis dans un champ, et une multitude de pensées sombres commencèrent à rouler dans mon esprit. Je croyais les courriers pris, car je ne trouvais aucun autre moyen d’expliquer leur absence. Le regret de leur arrestation, l’extrême péril auquel je m’exposais en continuant ma route, le manque d’argent et de vêtements, la grande difficulté de retourner en Chine, l’impossibilité de recevoir le missionnaire, tout me jetait dans une grande angoisse. Épuisé de froid, de faim, de fatigue et de tristesse, couché, pour ne pas être vu, auprès d’un tas de fumier, je languissais privé de tout secours humain, attendant uniquement celui du ciel, lorsque vinrent enfin les chrétiens qui me cherchaient. Ils étaient arrivés les premiers au lieu indiqué, et ne m’ayant pas trouvé, étaient repartis. Revenant une seconde fois, ils m’attendirent quelque temps, et puis allèrent me chercher une demi-lieue plus loin. Là, ne me rencontrant point, ils passèrent une grande partie de la nuit dans la douleur, et enfin ils s’en retournaient, désespérant de ma venue, lorsqu’ils rencontrèrent celui qui les cherchait ; alors, grâces à Dieu, nous nous sommes réjouis ensemble dans le Seigneur.

« Sept chrétiens étaient venus avec deux chevaux au-devant de l’évêque ; mais quatre d’entre eux, désespérant, à cause des difficultés et des périls, de pouvoir introduire les missionnaires,