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furent divisés en huit tribus, se ralliant chacune sous un étendard dont elle conserve la dénomination.

« Les Mandchoux n’ont pas de littérature nationale : tous les livres écrits en leur langue sont des traductions d’ouvrages chinois, faites par un tribunal spécial établi à Péking. Ils n’ont pas même d’écriture propre ; ils ont emprunté aux Mongols les caractères dont ils se servent. Leur langue se perd insensiblement ; il en est assez peu qui la parlent ; encore cent ans, et elle ne sera dans les livres qu’un souvenir du passé. Elle a beaucoup d’affinité avec la nôtre ; cela doit être, puisqu’il y a quelques siècles, la Corée étendait ses limites au delà du pays des Mandchoux proprement dits, et ne faisait des deux États qu’un seul royaume, habité par le même peuple. On trouve encore dans la Mandchourie certaines familles dont la généalogie, religieusement conservée, atteste une origine coréenne ; on y rencontre aussi des tombeaux renfermant des armes, des monnaies, des vases et des livres coréens.

« Je vous ai parlé plus haut des Ou-kin et des Tu-pi-latse. Je n’ai pu recueillir sur leur compte que des données incomplètes. Les derniers sont ainsi appelés par les Chinois, parce qu’ils se revêtent d’habits faits de peaux de poissons. Habitant sur les rives du Soungari et sur les bords des rivières qui grossissent ses eaux, ou errant dans les bois, ils se livrent à la pêche et à la chasse, et vendent aux Chinois les fourrures des animaux qu’ils ont tués et le poisson qu’ils ont pris. Le commerce se fait en hiver ; le poisson, qui est alors gelé, alimente les marchés à plus de deux cents lieues au loin ; les Tu-pi-latse reçoivent en échange des toiles, du riz et de l’eau-de-vie extraite du millet. Ils ont une langue à eux. Leurs états sont indépendants de l’empereur de Chine, et ils n’admettent pas les étrangers sur leur territoire. Les Chinois disent qu’ils sont d’une malpropreté dégoûtante. Cela peut être ; mais pour avoir le droit de leur faire un pareil reproche, ceux qui les accusent devraient eux-mêmes changer de linge un peu plus souvent qu’ils ne font, et détruire la vermine qui les dévore.

« Au delà du pays occupé par les Tu-pi-latse, et jusqu’à la frontière de la Russie asiatique, il est à présumer qu’il existe d’autres hordes errantes. Cette opinion que j’émets n’est qu’une simple conjecture ; car on n’a aucune donnée positive. Au midi de cette tribu, du côté de la mer, est un pays qu’on m’a nommé Ta-tcho-sou, sorte de terrain franc où se sont réunis, il n’y a pas longtemps, et où se réunissent encore tous les jours, une