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du sacrement ayant agi sur son cœur, il prit la ferme résolution de changer de vie.

À partir de ce jour, il fut un homme tout nouveau. Se rappelant que la vanité blessée avait été la première cause de ses fautes, il travailla d’abord à acquérir une véritable humilité, et fit dans cette vertu des progrès merveilleux. Il était tellement convaincu de son indignité et de son néant, qu’il se mettait au-dessous de tous les hommes, et dans le fond de son cœur se regardait sincèrement comme le plus misérable et le dernier des pécheurs. L’humilité, selon la promesse de Notre-Seigneur, amena bientôt à sa suite toutes les autres vertus : la vraie contrition, la ferveur dans la prière, l’esprit d’oraison, la mortification, la douceur, la patience, etc… Pendant la famine, un jour que Pierre mendiait quelques grains de riz, un chrétien riche, touché de sa misère et de son grand âge, lui donna dix nhiangs (environ vingt francs). Il les avait acceptés quand, après réflexion, il les rendit au donateur. Celui-ci ne voulut pas les reprendre, mais Pierre les déposa à terre et partit, disant qu’il n’osait pas recevoir une somme si considérable, que c’était déjà trop pour lui d’obtenir, en mendiant, sa nourriture de chaque jour. Ses habits étaient de simple toile, toujours vieux et rapiécés, et jamais il ne se plaignit du froid, même dans les hivers les plus rigoureux.

Lorsque les satellites envahirent Kot-tangi, en 1839, ils rencontrèrent Pierre et lui dirent : « Toi aussi, tu suis la religion chrétienne ? » Pierre, dans l’humilité de son cœur, répondit ingénument : « Vraiment oui, je suis chrétien ; mais ce que je fais est bien peu de chose. » Les satellites, peu soucieux d’une capture aussi insignifiante, passèrent outre. Cette réponse fut longtemps pour Pierre une cause de regret et d’angoisse ; il craignait qu’on ne l’eût prise pour une parole d’apostasie. Rencontrait-il des chrétiens, il se mettait à pleurer et demandait si, en parlant de la sorte aux satellites, il ne s’était pas rendu coupable d’un péché mortel. Souvent il passait la nuit seul, dans les montagnes, se nourrissant d’herbes et de racines, et ne voulant plus aller chez les chrétiens, dans la crainte que sa présence ne les compromît.

Sa femme étant morte en 1840, il se retira chez sa fille aînée qui demeurait alors à Ien-p’ong, dans la maison d’un noble nommé Ambroise Ni, chrétien assez indifférent. Il y fut bientôt pris d’une maladie grave qui le tint plusieurs mois couché ; c’était la dernière épreuve par laquelle Dieu voulait purifier cette sainte âme. Son corps, crevassé en plusieurs endroits et couvert de pus,