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vinrent à leur secours. Ils savaient en effet, par expérience, que ces chrétiens si méprisés, si calomniés, étaient en général fidèles à payer leurs dettes, chose rare en ce pays, et les habitants des villages voisins de ces montagnes n’hésitèrent pas à faire aux nouveaux venus des avances en argent et en grains, qui les sauvèrent de la mort.

Il fallait aussi reconstituer la chrétienté frappée dans ses pasteurs et dans ses principaux chefs. Dieu y pourvut encore. Les trois hommes de confiance des missionnaires avaient échappé : Charles Hien, serviteur de M. Chastan, Pierre Tseng, serviteur de M. Maubant, et enfin Thomas Ni, petit-fils de Pierre Ni Seng-houn-i, qui, depuis la mort de sa femme, s’était attaché à Mgr Imbert. À ces trois hommes échut naturellement la rude tâche de ranimer le courage de leurs frères, et de rétablir peu à peu la pratique des exercices religieux. Ils y mirent beaucoup d’activité et de zèle, malgré les dangers qui les environnaient ; car tous les trois, dénoncés personnellement à diverses reprises, étaient encore recherchés par la police. Pendant plusieurs années, ils vécurent presque constamment cachés, et ce ne fut que longtemps après qu’ils purent se montrer librement.

Ils s’occupèrent aussi de recueillir les actes des martyrs. Nous voyons dans les papiers de Mgr Imbert que, quelques mois avant sa mort, il avait lui-même délégué à cet effet Paul Tieng et Benoîte Hien. Les chrétiens assurent que Jean Ni Kieng-t’sien-i, Philippe T’soi et Charles Hien, reçurent également de l’évêque la même mission. Quoi qu’il en soit, ils y travaillèrent consciencieusement, et après la persécution, Charles Hien et Philippe T’soi, les seuls survivants de ceux que nous venons de nommer, se firent aider de Pierre Tseng et de Thomas Ni, pour compléter leurs recherches. Ce recueil a obtenu l’approbation générale des chrétiens, dont un grand nombre avaient été eux-mêmes témoins oculaires des faits rapportés, et c’est là que nous avons puisé presque tous les détails édifiants donnés dans cette histoire.

L’année kieng-tsa (1840) fut assez tranquille. Il y eut encore quelques arrestations, quelques vexations locales, quelques maisons de chrétiens pillées par les satellites, mais tout cela n’était rien comparé à l’affreuse tempête qui venait de finir. D’un autre côté, après plusieurs années de famine, on eut enfin d’excellentes récoltes, ce qui diminua beaucoup les souffrances des néophytes, et calma les ressentiments populaires, car, en Corée aussi bien qu’ailleurs, l’opinion publique est moins portée aux excès en un temps d’abondance que pendant la disette.