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adressée au premier missionnaire qui viendrait en Corée. Le prélat recommandait au nouveau venu de se munir de patience, et de se retirer au petit port de Yang-vou, d’où l’on peut voir les côtes coréennes, afin de tenter par là quelqu’autre voie de communication. Le missionnaire put remplir la première partie de ces instructions en s’exerçant à la patience, mais l’hostilité des chrétiens du Léao-tong ne lui permit pas de se rendre à Yang-vou. Il s’éloigna donc, en priant Dieu de les éclairer et de changer leurs cœurs, et se réfugia en Mongolie, à quatre-vingt-dix lieues au nord de Moukden.

De cette retraite, où il demeura deux ans, il envoya plusieurs lois des Chinois à la frontière de Corée, avec ordre de se mettre en rapport avec les chrétiens de ce pays, au passage de l’ambassade. Ces tentatives furent inutiles ; il n’y avait à la frontière ni lettres, ni courriers. Les chrétiens de Corée travaillaient cependant, de leur côté, à rétablir les relations avec la Chine. En 1840, ils envoyèrent un courrier à la frontière, mais ce courrier mourut en route ; l’année suivante, ils en envoyèrent un second qui ne put rencontrer les courriers chinois. Un troisième, expédié à la fin de 1842, fut plus heureux, et réussit, comme nous le verrons plus tard, à s’aboucher avec M. Ferréol et ses compagnons.

Laissons un instant le nouvel apôtre de la Corée se préparer, dans la solitude, à sa périlleuse entreprise, et revenons à nos néophytes.


Avec l’année kei-hai (1839-40) s’était terminée la grande persécution. La paix était presque rétablie, mais, de tous côtés, quel affligeant spectacle ! La chrétienté bouleversée de fond en comble ; des milliers de chrétiens sans gîte et sans ressources ; des familles privées de leurs chefs, décimées par le glaive, la corde, l’exil ou la famine, dispersées dans toutes les directions, les enfants cherchant leurs pères, les maris leurs femmes, les pères et mères leurs enfants ; un grand nombre de femmes chrétiennes, devenues la proie des satellites, cachant parmi les païens la honte de leur existence ; que de deuils et que de larmes !

Presque tous étaient réduits à la misère. Il fallait vivre cependant. C’était le printemps ; ils prirent le chemin des montagnes, et, comme avaient fait leurs pères après la persécution de 1801, se mirent à les défricher. La Providence, qui nourrit les oiseaux du ciel, ne les abandonna pas, et par un motif auquel nous avons déjà fait allusion, et que nous devons signaler de nouveau comme bien honorable pour notre sainte religion, les païens eux-mêmes