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revanche une multitude de sentiers propres à vous égarer. C’est ce qui arrivait quelquefois à mes guides. Souvent se rencontraient des rivières à traverser ; point de bacs, encore moins de ponts. Voulez-vous passer ? Ôtez vos habits, ou bien montez sur votre bête si vous en avez, et si l’eau est trop profonde, attendez qu’elle diminue, ou qu’elle gèle pendant l’hiver. Nous fûmes obligés de passer plus de trente fois la même rivière. Nos animaux, deux mulets et un cheval qui portaient le bagage de la mission, avaient quelquefois de l’eau jusqu’au milieu du ventre. Un de mes guides fit deux fois naufrage avec son mulet, au milieu de l’eau bourbeuse ; mes bagages furent souvent trempés, si l’on me passe l’expression, jusqu’à la moelle. Quand l’eau était trop profonde ou trop impétueuse, deux hommes tenaient mon cheval par la bride ; l’eau nous emportait tous ensemble, et je n’étais pas sans quelque crainte. Le temps le plus favorable pour voyager dans ce pays, c’est l’hiver, alors tout est glacé ; l’été on ne trouve que de l’eau et de la boue. »

Après vingt-deux jours de voyage, M. Ferréol arriva à Moukden, ancienne capitale des états de la famille impériale de Chine. Il fut assez mal reçu par les chrétiens du Léao-tong. Voici pourquoi. Les missionnaires portugais de Péking, qui jusqu’alors avaient évangélisé cette province, ne pouvant plus depuis longtemps, à cause de leur petit nombre, prendre de ces chrétientés le soin convenable, le Saint-Siège venait de les détacher du diocèse de Péking, et de les confier à la congrégation des Missions-Étrangères chargée déjà de la Corée. Le Léao-tong est limitrophe de la Corée, et cet arrangement semblait devoir faciliter beaucoup l’entrée des missionnaires dans ce dernier pays. Mais toute nécessaire qu’elle fût, la mesure prise par le souverain Pontife raviva dans le cœur de quelques prêtres portugais les sentiments de jalousie nationale, et pour mettre plus aisément les chrétiens de leur côté, ils leur peignirent, sous les plus terribles couleurs, la persécution que la présence des prêtres français ne pourrait manquer de susciter bientôt. M. Ferréol étant arrivé sur ces entrefaites, on lui refusa un asile. Il frappa à plusieurs portes, on le pria de continuer son chemin. Un pauvre chrétien, ému de compassion, l’ayant reçu chez lui, d’autres vinrent d’une assez grande distance pour l’expulser. Cette fâcheuse disposition des esprits fut pour le missionnaire une épreuve pénible et la cause de bien des marches et contre-marches ; mais sa confiance en Dieu n’en fut nullement diminuée.

Il avait trouvé en arrivant à Sivang une lettre de Mgr Imbert,