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qualités, les plus grandes vertus ne servent-elles donc de rien ? » Les uns le retenaient ; d’autres poussaient des cris de douleur : on eût cru voir la séparation d’un père avec ses enfants. Protais les consolait et leur répétait qu’il était très-heureux, que cette route était pour lui le chemin de la gloire. Arrivé le 18 à Tsient-siou, avec toutes les personnes arrêtées dans sa maison, il fut, le soir même, cité devant le juge criminel, où il refusa d’apostasier et de dénoncer qui que ce fût. Deux jours après, on le conduisit devant le gouverneur. Celui-ci, entouré de quatre-vingts satellites, renouvela les mêmes injonctions et, sur son refus d’y obtempérer, le lit mettre à la question. Plusieurs interrogatoires se succédèrent, mais Protais demeura inébranlable dans les supplices. Sa sentence fut signée à la septième lune, et au milieu des coups et des injures des valets du tribunal, il retourna à grand’peine à la prison. En y arrivant, il tomba sans connaissance, et ne revint à lui qu’après un assez long intervalle. Le 15 de la neuvième lune, le juge le fit comparaître de nouveau et, après avoir vainement essayé de le séduire, lui dit : « Non-seulement tu es membre d’une secte sévèrement prohibée, mais encore tu as reçu chez toi des étrangers ; ne trouve donc pas mauvais qu’on te punisse du dernier supplice. — Traitez-moi, repartit Protais, selon la loi du royaume. » On lui infligea la bastonnade d’usage après la lecture de la sentence, et il fut déposé à la prison civile, en attendant le jour fixé pour l’exécution.

Barbe Sim, épouse de Thomas Hong, fils aîné de Protais, avait été arrêtée avec son beau-père. Née de parents nobles, au district de In-t’sien, elle remplissait tous ses devoirs avec fidélité ; mais elle était d’une intelligence si bornée que tous ses efforts lui avaient à peine procuré l’instruction religieuse nécessaire. Sa foi, néanmoins, était des plus solides, et sa charité, ardente. Elle le fit bien paraître en 1839, par l’hospitalité courageuse et dévouée qu’elle donna à tous les chrétiens que la persécution forçait à fuir, et surtout par la bonté avec laquelle elle accueillit et entretint si longtemps les quatre femmes réfugiées dans sa maison. Jamais on n’aperçut chez elle la moindre impatience, le moindre signe que ses hôtes lui fussent à charge. Au moment de l’arrestation et durant les interrogatoires, elle ne changea pas de couleur et conserva tout son calme. Quoique d’une santé faible et d’une complexion délicate, elle ne se laissa nullement intimider par l’appareil terrible du tribunal du gouverneur et par les odieuses vociférations qui accompagnent tous les ordres qui y sont donnés. Elle supporta de nombreuses bastonnades et