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meil, aux repas et à tout ce qui concerne la vie du corps. Quand il priait, c’était toujours à genoux devant le crucifix, dans une posture modeste, ne laissant jamais paraître ni nonchalance, ni fatigue, et ses prières étaient tellement prolongées, qu’il se forma une grosse tumeur à ses genoux, de sorte qu’il lui était très-difficile de faire à pied le moindre voyage. Il jeûnait trois fois la semaine, s’excitait continuellement à la contrition de ses péchés et surtout de son apostasie, et souvent on l’entendait sangloter et pousser des gémissements lamentables. Adonné aux œuvres de charité, quand il savait un de ses frères dans le besoin, il emportait secrètement quelque chose de la maison, et allait remettre son aumône lui-même, afin que sa famille n’en sût rien ; mais il fut surpris plus d’une fois par des païens, qu’une pareille humilité surprenait plus qu’on ne peut dire.

En l’année 1832, quand on publia l’amnistie générale pour les exilés, le gouverneur de la province écrivit au mandarin de Koang-tsiou de relâcher Protais, s’il était revenu à de meilleurs sentiments. Le mandarin le fit donc venir et lui demanda s’il s’était amendé : « Je n’ai pas changé de sentiments, répondit Protais. — Comment, repartit le mandarin stupéfait, quelle parole me dis-tu là ? tu es exilé depuis plus de trente ans, tu es maintenant arrivé à la vieillesse et tu t’obstines encore ! Ne te serait-il donc pas bien agréable de retourner dans ta patrie ? » Plusieurs jours de suite, le mandarin revint à la charge ; il essaya tour à tour les raisonnements, les promesses, les menaces ; mais tout fut inutile. Pendant la persécution de 1839, Protais ne se contenta pas de donner une hospitalité passagère à beaucoup de chrétiens fugitifs ; il consentit à recevoir chez lui quatre femmes, qui ne savaient où se réfugier ; il les entretint à ses frais et voulut que sa maison devînt la leur. Quand il apprenait le martyre de quelques nouveaux confesseurs, son cœur était vivement ému, et il sentait d’autant plus le désir de marcher sur leurs traces, qu’il en avait lui-même, une première fois, manqué l’occasion. Dieu lui accorda cette grâce. Le 14 de la sixième lune, des satellites venus de Tsien-tsiou l’arrêtèrent, lui et toute sa famille, ainsi que les quatre chrétiennes dont nous venons de parler. C’étaient : Anastasie Kim, Anastasie Ni, Madeleine Ni et Barbe T’soi.

Après un premier interrogatoire, le mandarin local fit passer au cou de Protais une petite cangue et l’envoya à Tsien-tsiou. Quand il partit, les habitants de la ville, de tout âge et de tout sexe, au nombre de trois ou quatre cents, le suivaient en disant : « Est-ce ainsi que l’on punit les hommes justes ? Les bonnes