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sur le point de faiblir, reprit de suite une énergie qui trompa l’attente du tyran. Poussé à bout, ce mandarin, par un raffinement inouï de férocité, les menaça de faire mourir leurs deux enfants sous leurs yeux, et commença, en effet, à les torturer cruellement. Le cœur des parents était transpercé, mais une grâce toute-puissante vint à leur secours, et Pierre s’écria : « L’amour des enfants est naturel à l’homme, et les souffrances de mes fils me sont cent fois plus pénibles que les miennes propres, mais comment pourrais-je, par amour pour eux, renier mon Dieu ? Non, mille fois non, je ne le ferai pas. » L’affaire ayant été portée au gouverneur, il ordonna d’insister ; et en conséquence, plus de dix fois, ils furent tous deux remis à la question. Leurs fils ayant fini par apostasier, après deux mois de captivité, furent renvoyés libres. Pierre et Madeleine restèrent à la prison, et le mandarin, désespérant de les vaincre par les tourments, essaya d’en triompher par la faim. Il défendit de leur donner aucune nourriture. Quelques jours après, il les cita de nouveau à son tribunal, mais il avait perdu sa peine ; les deux confesseurs, presque mourants, lui résistèrent avec plus d’énergie que jamais. Leur agonie se prolongea quelques jours encore. Enfin Pierre rendit à Dieu sa belle âme, le 13 de la onzième lune, à l’âge de cinquante-trois ans, et Madeleine le 17, à l’âge de cinquante-six ans.


Mais le plus glorieux martyre qui, à cette époque, consola l’Église coréenne, fut certainement celui de Protais Hong et de ses compagnons, dans la province de Tsien-la. Protais Hong Tsa-ieng-i était le troisième fils du noble Hong Nak-min-i, dont nous avons si souvent parlé au commencement de cette histoire. À l’automne de 1801, son nom ayant été trouvé sur une liste de confrérie dans les papiers du célèbre Alexandre Hoang, Protais fut pris et envoyé en exil à la ville de Koang-tsiou, province de Tsien-la. Il est à peu près certain qu’en cette occasion, il n’échappa à la mort que par l’apostasie ; cependant le fait n’est établi par aucun document positif. À Koang-t’siou, isolé de tous les chrétiens, il passa quelques années sans pratiquer sa religion ; puis, réveillé par un coup inespéré de la grâce, il reprit ses exercices de piété et chercha à réparer sa faute par un redoublement de ferveur. Sa femme alla le rejoindre au lieu de l’exil, et ils s’y établirent comme ne devant jamais en sortir. Protais s’appliquait à bien régler sa maison et à instruire chrétiennement ses enfants. Exact à toutes ses prières et se livrant à de longues méditations, il donnait à peine quelques heures au som-