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gouvernement coréen fit alors ce que font tous les persécuteurs, il appela le mensonge en aide à la force, et dans ce même mois de novembre, le 18 de la dixième lune, parut une nouvelle proclamation royale contre les chrétiens. Elle fut répandue dans tout le royaume, en caractères chinois et en caractères coréens, afin que le peuple entier, hommes et femmes, savants et ignorants, pût la lire sans difficulté. La rédaction en avait été confiée à T’sio Siou-sam-i, homme de la classe du peuple, mais renommé pour sa science, précepteur et ami du premier ministre T’sio In-ieng-i, et comme lui ennemi juré de la religion de Jésus-Christ.

C’est une production étrange, dans le genre de la proclamation de 1801, mais bien inférieure comme style et comme composition. « C’est, dit Mgr Daveluy, un fatras intraduisible dont j’ai vainement essayé de me faire donner le sens complet, par les Coréens les plus instruits. Tous ceux à qui je l’ai fait lire, m’ont avoué n’y voir eux-mêmes que des phrases et des tirades, sans suite et sans liaison possible. » On commence par y citer quelques passages obscurs des livres sacrés de la Chine, dont on ne voit pas l’application au cas présent ; puis, après avoir recommandé la religion des lettrés, que tout le monde doit suivre, on traite la doctrine chrétienne d’amas de vaines fourberies et de maximes déshonnêtes, et on la signale à l’exécration publique comme méconnaissant les devoirs envers les parents et envers le prince. On y donne comme base de notre religion, l’adoration du ciel, et on nous fait dire que Jésus — auquel les injures les plus viles sont prodiguées — est devenu le ciel. Parlant du célibat et de la virginité, on les dit contraires à l’ordre de la nature, et on ne manque pas d’ajouter, sans s’inquiéter de la contradiction flagrante entre les deux accusations, que notre morale est infâme, et que parmi les chrétiens les femmes sont en commun. Les sacrements sont traités de rites obscènes, le ciel et l’enfer de niaiseries, etc…

L’auteur de ces stupides inepties, dignes en tous points de nos matérialistes les plus abrutis ou, si l’on veut, les plus avancés, était d’autant plus coupable, que la religion chrétienne était alors suffisamment connue en Corée. Combien de fois, devant les tribunaux, les confesseurs n’en avaient-ils pas exposé les dogmes, développé les maximes ? Combien de fois les mandarins, poussés à bout par les raisonnements de leurs victimes, n’avaient-ils pas avoué que la religion chrétienne est excellente, et que leur unique raison de la proscrire était l’ordre formel donné par le gouvernement ? On avait d’ailleurs en main tous les livres des chrétiens.