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Cependant, le traître Ie-saing-i, non content de donner le conseil infâme dont nous avons parlé, avait tenu, par un raffinement de haine, à se faire lui-même l’exécuteur de ces mesures sanguinaires. Ayant complètement jeté le masque, il commença dès lors à se faire porter en chaise de côté et d’autre, accompagné des satellites, pour mieux découvrir et saisir sa proie. Il connaissait personnellement la plupart des chrétiens, au moins dans un rayon assez étendu autour de la capitale, et souvent, dans ses tournées, il lui arrivait d’en rencontrer quelques-uns. Sa cruauté, son impiété, son immoralité, dépassaient toutes les bornes. Quand il arrivait quelque part, les chrétiens, sachant qu’il en voulait surtout aux personnages importants, et qu’on ne faisait plus de saisies en masse, ne s’enfuyaient plus sur les montagnes. Il commençait quelquefois par les engager, avec un rire sardonique, à bien souffrir pour le nom de Dieu ; ensuite il prenait les renseignements dont il avait besoin et, pour y mieux réussir, faisait lier et battre quelques personnes du village ; souvent il ordonnait d’en torturer plusieurs pour le seul plaisir de les voir souffrir. Il les relâchait ensuite en disant : « Un tel n’irait pas loin, un tel pourrait bien aller jusqu’au martyre ; » et il se moquait des plus lâches, en leur faisant donner quelques coups de plus. Il se faisait aussi amener de jeunes femmes, sous prétexte de les interroger ; sur son ordre, on leur enlevait leurs vêtements, on les frappait et torturait jusqu’à ce que, vaincues par la douleur, elles devinssent, sans résistance, les victimes de son immonde brutalité. L’influence acquise par ce monstre était si grande, que chacune de ses paroles avait, pour ainsi dire, force de loi. « Tuez celui-ci, disait-il ; laissez celui-là ; on peut relâcher cet autre, s’il apostasie ; » et les juges aussi bien que les satellites obéissaient. La vie et la mort semblaient être dans ses mains.

En quelques semaines, il fit arrêter les chrétiens les plus influents. Dominique Kim, Côme Nie, André Tsieng, Mathias Ni, et bien d’autres dont nous reparlerons, furent pris à cette époque. Mathias Ni, dernier fils de Seng-houn-i, renommé pour ses talents littéraires et sa science médicale, après avoir servi les prêtres pendant quelque temps, s’était réfugié dans la province de Kangouen, au village de Mal-ko-kai, district de T’sioun-t’sien. C’est de là que, trahi par Kim Tsin-sie, il fut conduit à la capitale. Plusieurs apostats, relâchés quelques semaines auparavant, furent arrêtés de nouveau. André Son, qui avait donné asile à l’évêque, avait, aussitôt après le départ de Mgr Imbert, cherché un autre refuge avec sa femme et ses enfants. Les satellites, ne le trouvant pas,