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il se mit à remercier Dieu et la vierge Marie d’être venus le consoler, ce qui semblerait prouver qu’il eut, pendant ces longs tourments, quelque apparition céleste. Sa patience, sa scrupuleuse attention à faire en tout la volonté de Dieu, étaient admirables. On raconte qu’un jour il pria le geôlier de lui enlever un instant la cangue, pour en retirer les punaises qui s’y étaient logées : après quoi il lui dit de la replacer. Celui-ci l’engagea à rester quelque temps libre de ce fardeau si pénible. « Non, dit Jean, c’est l’ordre du mandarin que je la porte, et je veux la porter. »

Pendant plusieurs semaines, on le conduisit au tribunal tous les deux ou trois jours. Les bourreaux s’acharnaient à inventer de nouveaux supplices, ils voulaient le faire mourir lentement sous les coups, et on ne conçoit pas comment il put conserver un souffle de vie. Après lui avoir laissé reprendre des forces pendant une vingtaine de jours, on le ramena devant le juge, qui lui dit : « Es-tu devenu plus sage, veux-tu quitter enfin cette doctrine perverse ? — Non, répondit Jean, car si je veux maintenant conserver à mon corps une vie de quelques instants, mon âme mourra pour toujours. Le sujet qui, après avoir promis de mourir pour son roi et la justice, viendrait à se révolter, ne serait-il pas infidèle et rebelle ? Comment pourrais-je, moi qui ai juré de servir le grand Dieu du ciel et de la terre, le renier aujourd’hui par la crainte des tourments ! » Le juge en fureur ordonna de redoubler les coups. Les os des jambes furent brisés, et deux morceaux de deux à trois pouces chacun tombèrent à terre ; son dos et son ventre étaient entr’ouverts, et ses entrailles sortaient au dehors. Au milieu de ces indicibles tortures, Jean conservait un visage calme : il ne pensait qu’à son Sauveur crucifié et voulait lui rendre amour pour amour, vie pour vie. Vers ce temps, Dieu, pour purifier davantage l’âme de son serviteur, permit qu’il éprouvât une violente tentation de découragement. Dans son trouble, il se jeta aux pieds du Seigneur Jésus, et y retrouva la force d’étouffer les cris de la nature défaillante. Bientôt la joie et la paix revinrent dans son cœur, et en récompense de sa fidélité il entendit enfin prononcer sa sentence de mort. Il dut toutefois en attendre l’exécution pendant environ deux mois. Le jour arrivé, il mangea gaiement et en entier le repas préparé pour les condamnés. Quand il sortit pour aller au supplice, tous les geôliers témoignaient leurs regrets, tant ses beaux exemples les avaient impressionnés. Le 29 de la huitième lune, 6 octobre 1839, après huit mois de prison, il eut la tête tranchée. Il avait alors vingt-neuf ans.