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Racontons ici l’histoire de cette dernière. Barbe, épouse d’un noble païen, avait été instruite de la religion chrétienne par sa vieille mère, qui, restée sans appui, s’était retirée auprès de sa fille. Docile aux leçons maternelles, elle se convertit ainsi que ses deux jeunes filles Madeleine Ni et Marie Ni, et toutes ensemble se mirent avec ferveur à pratiquer leur nouvelle foi. Mais il fallait que tout se fît dans le plus grand secret, à cause du mari de Barbe qui était fort opposé à l’Évangile. Après la mort de sa vieille mère. Barbe profita d’un voyage que son mari dut faire en province, et alla secrètement avec ses deux filles recevoir le baptême. Lorsque Madeleine Ni fut arrivée à l’âge nubile, son père voulut la marier à un païen, mais outre qu’elle ne pouvait consentir à une telle alliance, une vive inclination la portait à garder la virginité. Elle feignit donc une maladie, et dit qu’elle ne pouvait se marier. On ne saurait croire toutes les peines et vexations qu’elle eut à supporter, à cette occasion, de la part de son père. Un jour, poussée à bout, elle se fit une coupure au doigt, et lui écrivit avec son propre sang, mais sans pouvoir le fléchir. Cette lutte domestique dura près de quinze ans. À la fin, Madeleine ne voyant plus aucun moyen d’éviter ce mariage, demanda à l’évêque la permission de s’enfuir. Mgr Imbert ne voulut pas y consentir, et dit qu’il fallait tenir ferme, tout en restant à la maison ; mais bientôt les choses en vinrent à une telle extrémité, que Barbe Tsio et ses deux filles s’enfuirent de leur maison et vinrent se cacher chez des chrétiens. À cette nouvelle, le prélat leur ordonna d’abord de retourner chez elles ; mais pour une femme et des jeunes filles nobles qui avaient ainsi pris la fuite, retourner au logis, c’était aller à une mort presque certaine. Voyant qu’il n’y avait plus aucun remède, l’évêque leur donna quelques secours, et recommanda aux catéchistes d’arranger cette affaire le mieux qu’il serait possible. Elles furent placées dans une petite maison, où elles souffrirent beaucoup de la faim et du froid ; mais, libres qu’elles étaient enfin de pratiquer leur religion, elles ne s’inquiétaient guère des privations et des souffrances. C’est là que Catherine Ni et sa fille Madeleine Tsio vinrent les rejoindre.

Unies par le même dévouement et le même désir de plaire à Dieu, ces saintes âmes s’encourageaient mutuellement, travaillaient à orner leurs cœurs des vertus les plus convenables à leur état, et s’exhortaient à bien supporter la persécution et la mort même, si Dieu les y appelait. Un jour, l’une d’elles se mit à dire : « Si l’évêque est pris, livrons-nous nous-mêmes. » Madeleine