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la moisson spirituelle a été aussi très-abondante. Avec la protection du Seigneur, j’ai parcouru mon vaste district sans fâcheux accident. L’administration achevée, j’espérais aller jouir d’un peu de repos, dans une agréable solitude où l’on me préparait un logement. Mais Dieu nous prépare une demeure infiniment plus agréable ; il paraît certain que bientôt nous aurons le bonheur d’y entrer, et d’y jouir d’un repos éternel avec les glorieux martyrs qui nous ont précédés. Je prie le Seigneur de vous accorder la grâce de n’être point effrayés des choses que je vais vous annoncer.

« Le 11 août, Mgr le Vicaire apostolique a été conduit à la capitale, et grand nombre de satellites ont été envoyés dans les provinces, pour prendre les deux missionnaires que l’on sait bien être dans le royaume. Les chrétiens ou même des catéchumènes tout récemment convertis à la foi, se prêtaient volontiers à nous fournir un asile pour nous cacher pendant ces temps critiques. Nous en avons profité pendant les quatre derniers mois, et nous en aurions profité encore, si un ordre supérieur ne nous obligeait de nous manifester. Mgr notre Évêque juge dans sa sagesse que, dans les circonstances où nous sommes, il est du devoir du bon pasteur de donner sa vie pour ses brebis ; il nous a donné l’exemple en se présentant lui-même. Une victime ne suffit pas à la rage des persécuteurs : ils en auront trois. L’ordre de nous cacher nous avait retenus dans le secret ; l’ordre de nous présenter nous est aussi agréable que le premier ; en tout la volonté de Dieu, et l’accomplissement de son bon plaisir !

« Avant de venir en mission je savais bien que, tôt ou tard, il faudrait souffrir quelque chose pour le bon Dieu, et lorsque le Vicaire apostolique de Corée daigna m’appeler à sa suite, j’espérais bien que je pourrais obtenir la palme du martyre. À mon entrée dans cette chère mission, on torturait cinq confesseurs ; j’étais alors bien faible, je tremblais en entendant le récit des tourments qu’on leur faisait endurer. Depuis, le Seigneur m’a fait la grâce de ne plus craindre. Je me sens fortifié par tant d’exemples de personnes à qui j’ai administré les sacrements, de néophytes, de petits enfants de dix à quinze ans, qui ont enduré les supplices avec une constance qui fait l’admiration des chrétiens et des païens. Je pars demain trouver mon confrère ; de là nous nous rendrons au lieu marqué, où l’officier qui conduisit Monseigneur nous attend avec impatience. Il nous mènera en prison ; nous aurons la consolation de revoir notre Évêque, et peut-être aussi nos chers catéchistes, et tous ces fervents chrétiens qui souf-