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un visage impassible. On le confronta aussi avec l’évêque, et, de même que Paul, il fut mis six fois à la question.

Charles Tsio toujours à la tête des chrétiens qui, chaque année, faisaient le voyage de Péking pour la mission, avait depuis longtemps un vrai désir de souffrir pour Jésus-Christ. Pendant son voyage de retour, au commencement de 1839, il eut un songe, dans lequel il vit le Sauveur sur la montagne du Thabor : les SS. Apôtres Pierre et Paul étaient à ses côtés, et Jésus lui dit : « Cette année je t’accorderai le grand bienfait du martyre. » Charles salua plusieurs fois en actions de grâces, et le même songe s’étant présenté deux autres fois, il ne put s’empêcher d’en ressentir une profonde émotion. À peine arrivé à la capitale, il comprit, à la tournure que prenait la persécution, que ce songe mystérieux deviendrait bientôt pour lui une réalité, et ne pensa plus qu’à se préparer au martyre. Il était absent, quand les satellites fondirent sur sa maison, et à son retour, il les trouva qui emmenaient jusqu’aux enfants à la mamelle. N’osant pas se livrer lui-même, de peur de prévenir les ordres de la Providence, il suivit les prisonniers, d’abord au prétoire du mandarin, puis au tribunal du grand juge criminel. Les valets chassaient tous les curieux, lui seul s’obstinait à demeurer. On le poussa par le dos, et comme il faisait résistance, quelqu’un lui dit : « Qui êtes-vous donc ? — Je suis, répondit-il, le maître de la maison où l’on a saisi ces prisonniers. » De suite il fut arrêté et présenté aussi au grand juge. Charles n’avait pas encore eu le temps de vendre les objets achetés à Péking avec l’argent de la mission, et tout était devenu la proie des satellites. Le lendemain, on le tortura cruellement pour savoir d’où venaient ces objets, mais il demeura muet au milieu des supplices. Bientôt il fut confronté avec Mgr Imbert, et interrogé sur le lieu de retraite des deux prêtres européens. Il refusa de répondre, et, mis huit fois à la question, il en sortit toujours calme et victorieux.

Ces trois généreux athlètes étaient, aux yeux du gouvernement, les plus coupables de tous, puisqu’ils avaient amené les infâmes étrangers. Aussi furent-ils traités en conséquence. On déploya contre eux un raffinement de barbarie. Leurs os furent courbés à plusieurs reprises, leurs jambes sciées avec des cordes ; leurs chairs, coupées avec des bâtons triangulaires, tombaient en lambeaux. Mais Dieu vint à leur aide ; leurs paroles furent toujours fermes et leur contenance calme et digne, au point d’exciter l’admiration des bourreaux.

Pendant qu’on les torturait ainsi, d’autres témoins de Jésus--