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ministre la tenta par toutes sortes de caresses et de ruses, sans pouvoir obtenir d’elle un mot ou un signe de faiblesse, et touche de compassion, il la renvoya à la prison des voleurs, comme trop jeune pour être jugée au criminel. C’est là qu’après avoir beaucoup souffert de la faim et de la soif, elle fut prise de la peste courante, et en quelques jours s’éteignit paisiblement. Elle avait à peine quatorze ans. Cette peste, qui vint alors aggraver cruellement les souffrances des chrétiens prisonniers, était une espèce de fièvre putride, causée par la réunion d’un grand nombre de personnes dans un local trop étroit, par l’infection des cachots et la malpropreté horrible qu’on y laissait continuellement régner.

« Deux pauvres veuves en moururent également. L’une était Barbe Kim, plus connue sous le nom de Barbe, mère de T’sin-tsiou. Née en province de parents fort pauvres, elle ne put pratiquer librement la religion qu’à l’âge de treize ans, qu’elle entra comme servante chez un riche chrétien de la capitale. Elle désirait garder la virginité ; mais, sur l’ordre de ses parents, elle consentit enfin à se marier. Devenue veuve quelque temps avant la persécution, elle s’était adonnée à la prière et aux bonnes œuvres avec plus de zèle que jamais, lorsqu’elle fut prise, à la deuxième lune, traînée successivement au tribunal des voleurs et au tribunal des crimes, où elle fut si cruellement maltraitée que ses membres brisés ne purent se guérir. Après avoir enduré pendant plus de deux mois la faim, la soif et la maladie, elle mourut de la peste, à l’âge de trente-cinq ans.

« L’autre, qui succomba deux ou trois jours plus tard, se nommait Agathe Tsieng, grand’mère de Tsiou-tsin-i. Elle avait longtemps pratiqué la religion, malgré la violente opposition de son mari païen. Son mari et ses deux fils étant morts vers l’année 1820, elle resta dans une extrême pauvreté, avec ses deux belles-filles et ses petits-enfants tous chrétiens, et dut, à l’âge de plus de soixante ans, mendier de porte en porte sa nourriture. Pendant de longues années, elle ne cessa d’édifier la chrétienté par sa merveilleuse résignation ; elle n’avait à la bouche que des paroles d’actions de grâces envers Dieu pour ses bienfaits, et particulièrement pour la pénible position où il permettait qu’elle fût réduite. Agathe avait plus de soixante-quinze ans, quand elle reçut pour la première fois les sacrements. Arrêtée à la troisième lune, elle fut conduite d’abord au tribunal des voleurs, où, malgré son grand âge, on lui fit subir la question. Ni les tortures, ni les menaces, ni les douces paroles n’ayant ébranlé sa constance, elle fut transférée au tribunal des crimes, où elle souffrit beaucoup de la