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par son assiduité aux bonnes œuvres. Quand elle fut prise et déposée à la prison, elle gourmandait les satellites de leur insolence ; son mari Damien lui dit à haute voix : « Un chrétien doit mourir pour son Dieu comme un agneau, ne perds pas une si belle occasion ; » et Marie, touchée de ces paroles, supporta dès ce moment sans aucune impatience les injures et les mauvais traitements.

« Augustin Ni T’si-moun-i, de la branche des Ni de Koang-tsiou, qui en 1801 donna plusieurs martyrs, descendait d’une famille de la plus haute noblesse. Il avait le caractère généreux, mais porté aux plaisirs. Dès son plus jeune âge, il aimait à fréquenter les maisons de divertissements et vivait sans aucun frein. Il n’avait pas encore trente ans lorsqu’il se convertit, déplora ses égarements passés, et, docile à l’inspiration de la grâce, se mit à veiller avec tant de soin sur toutes ses paroles et actions, qu’il devint bientôt grave et réglé, au point qu’on pouvait le proposer à tous comme modèle. Ayant dû fuir plusieurs fois pour éviter la persécution, il eut bientôt épuisé tout son petit avoir ; mais animé d’un véritable esprit de pénitence, il supportait patiemment les privations de la pauvreté. Toujours gai et content, il s’efforçait de rendre service au prochain et ne regardait ni à la peine ni à la fatigue, quand il s’agissait de réchauffer les tièdes ou d’évangéliser les païens ; beaucoup lui furent redevables de leur conversion. Sa femme Barbe Kouen, convertie en même temps que lui, édifia les fidèles par sa patience et sa résignation dans le dénûment ; son assiduité à servir les prêtres et les chrétiens dans les réunions qui se faisaient chez elle pour la réception des sacrements était incomparable.

« L’interrogatoire commença le lundi 8 avril ; il ne fut pas aussi terrible qu’on pouvait le craindre, et le juge semblait peu à son aise. Il voulut exiger l’apostasie, mais grands et petits, sans distinction de sexe, s’y refusèrent tout d’une voix, et reçurent dans les tourments le prix de cette unanime confession. L’ornement, le bréviaire et la mitre saisis chez Damien, devenaient pour lui une affaire personnelle et rendaient sa position délicate ; mais le juge, effrayé de la rumeur que ces objets extraordinaires excitaient parmi le peuple et les satellites, voulut bien recevoir telles quelles les explications de Damien. Celui-ci prétendit que le tout avait appartenu au P. Tsiou en 1801, suggérant même que, dans l’assemblée des chrétiens, lui Damien, assis sur une peau de tigre, revêtait ces habits. Le mandarin fit semblant de le croire, afin de ne pas trouver la vérité, car ses collègues et lui savaient