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Au mois d’août, une crise assez violente bouleversa une bourgade chrétienne dans le sud de la presqu’île. Près de quarante chrétiens ayant été arrêtés, les autres prirent la fuite et abandonnèrent leurs récoltes. Le mandarin, embarrassé des proportions inattendues que prenait cette affaire, se repentit de l’ordre imprudent qu’il avait donné, et relâcha presque tous ses prisonniers. Mais l’intendant de la province, ayant eu connaissance de cette escapade, qui avait obligé plus de cent habitants d’émigrer dans une autre province, appela devant son propre tribunal, et le mandarin, et les satellites, et les six ou sept chrétiens qui avaient été maintenus en prison. Le dénonciateur fut exilé, le mandarin s’en tira avec une somme assez ronde, ce qui n’empêcha pas les chrétiens d’avoir à choisir entre la prison ou l’apostasie. Il paraît malheureusement qu’ils eurent la faiblesse de prendre ce dernier parti.

Au mois d’octobre 1838, le nommé Paul Tsieng, habitant à In-tsin, détruisit les tablettes de ses ancêtres afin de pratiquer la religion chrétienne. Nous avons déjà vu qu’en Corée, comme en Chine, les païens attachent à ces tablettes une importance inouïe. Les négliger et surtout les détruire, c’est, à leurs yeux, attaquer, les principes fondamentaux de la morale, les bases mêmes de la société. Aussi la rumeur fut grande dans les environs, et pour accomplir encore une fois les prédictions de notre divin Maître, la famille du nouveau chrétien fut la première à s’insurger, et sur le refus de Paul de réparer ce qu’ils appelaient son sacrilège. Ses propres parents le dénoncèrent au mandarin Ni Hieng-ouen-i. Paul échappa par la fuite, mais cette affaire fit disperser plus de cinquante chrétiens, et une douzaine furent arrêtés et jetés en prison. Pierre Ni Ouen-meng-i était celui de ces derniers sur lequel on comptait davantage pour retrouver le principal coupable, et sur lui semblait devoir retomber toute la responsabilité. Il fut donc conduit à la capitale par les satellites, mais arrivé au passage du fleuve, il tomba dans l’eau et y périt, soit qu’il y eût été jeté par les gardes, soit qu’effrayé des tourments auxquels il allait être soumis, il se fût lui-même précipité dans les eaux. Il ne restait aucun autre prisonnier important, et le mandarin ne voulant pas, sans doute, pousser les choses à l’extrémité, et craignant peut-être de se compromettre, ne leur demanda même pas d’apostasier. Ils furent relâchés quelque temps après, sous caution, avec ordre de ne pas s’éloigner de chez eux et de se présenter à la première injonction qui leur serait faite.

Une consolation qu’eurent alors les missionnaires et les chré-