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impossible. Ils portaient des marchandises pour la Tartarie, et probablement pour la Russie. Les conducteurs, nous prenant pour des officiers tartares, nous saluaient gracieusement ; et nous de leur répondre mon-kou, portez-vous bien, ou, bon voyage. Comme nous côtoyions les montagnes à la distance d’une lieue environ, nous avons vu de loin les monuments des sépultures des empereurs de la dynastie Mîng, et puis, de distance en distance, les caravansérails dans lesquels loge l’Empereur quand il va en Tartarie, ou visiter les sépulcres de ses ancêtres, car Sa Majesté Céleste aurait trop peur de loger dans la préfecture d’une ville, comme font les rois d’Europe. Le Fils du Ciel, lorsqu’il voyage, se repose dans ces palais isolés, en rase campagne, entouré de sa garde qui dresse ses tentes à l’entour du pavillon impérial.

« Le samedi 25, nous passâmes la douane de l’est au bord de la mer, à l’endroit où finit la grande muraille. Ce passage m’embarrassait et m’inquiétait beaucoup. Demeurer à cheval comme officier public n’était pas le cas, car tout mandarin, fût-ce même un vice-roi, est obligé de descendre et de faire à deux genoux plusieurs prostrations devant le chiffre de l’Empereur gravé sur la porte. Les gens du peuple sont exempts de cette cérémonie, mais ils doivent comparaître un à un devant l’officier du poste et ses deux assesseurs, et là, à genoux, répondre à leurs questions. Quoique parlant bien le chinois, j’ai l’accent d’un homme du Sutchuen ; de plus, pour s’en tirer, il aurait fallu mentir à la chinoise, et surtout être à genoux devant ces gens-là : un Européen, un évêque ne saurait le faire. Je fis donc chercher un courageux contrebandier païen qui, pour dix francs, consentit à me conduire. À la faveur de la nuit, du froid et de la neige qui, tombant fort à propos, retenait douaniers et soldats dans leurs postes, autour de leur feu, il me mena, par des routes détournées, à un pan de rempart écroulé, et je m’arrêtai chez une famille chrétienne, à une lieue hors de la ville. Le lendemain, mes chevaux et effets, conduits par des chrétiens de la ville, passèrent aussi heureusement ; ces chrétiens étaient connus des douaniers et ne furent pas interrogés. Depuis notre sortie du défilé qui va à Péking, le 17, jusqu’à notre sortie de Chine par cette dernière douane appelée Chan-hay-kouan (douane de la montagne et de la mer), nous avons parcouru une plaine immense et extrêmement fertile. On me dit qu’elle s’étend jusqu’aux provinces du Chang-tong et du Ho-nan, et forme aussi plus de la moitié de la province de Péking que l’on nomme le Pé-tché-ly. Sortis de