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une plus grande encore d’attendre qu’ils mangeront après leur mort ? L’âme s’en va en son lieu, et le corps n’est qu’un cadavre qui ne peut rien. L’âme, substance spirituelle, ne peut se nourrir d’aliments corporels. Les préceptes du Maître du ciel sont bons, et il y a du mérite à les observer. On ne regarderait pas comme un sujet rebelle celui qui donnerait sa vie pour son prince ; combien moins celui qui donnerait sa vie plutôt que de renier le Maître du ciel, de la terre, des hommes, des anges et de tout l’univers, le Roi des rois, le Père commun du genre humain, qui fait tomber à son gré la pluie et la rosée, qui fait croître depuis la plus petite plante jusqu’aux plus hauts arbres des forêts, dont il n’est personne qui ne ressente les bienfaits ? Aussi suis-je décidé à mourir plutôt que de le renier. »

« Oui, certainement, tu dis la vérité, reprit le juge, mais le gouvernement prohibe cette doctrine sous peine de mort. Et en quoi les sacrifices aux ancêtres sont-ils vains et inutiles ? Fléchir les genoux devant une image du Maître du ciel, n’est-ce pas aussi une action vaine et inutile ? Pourquoi n’adores-tu pas aussi bien les images de tes parents ? — Le Maître du ciel est tout-puissant, infiniment bon et connaissant tout ; voilà pourquoi je l’adore. Dans la religion du Maître du ciel, on prie pour les âmes des parents défunts ; il y a des prières spéciales pour les morts. — Tu parles tout seul ; qui est-ce qui ajoute foi à tes paroles ? qui est-ce qui t’approuve ? qui est-ce qui t’a enseigné cette doctrine ? — Il y avait chez nous des livres où je l’ai apprise. — Ne peux-tu dire quel a été ton instructeur ? — Ce fut un nommé Y, qui demeurait dans le faubourg de la petite porte de l’ouest. — Cet homme vit-il encore ? — Non, il a été martyrisé à Tsien-tsiou, capitale de la province de Tien-la. — Pourquoi ne changes-tu pas de résolution ? — Comment puis-je changer une sainte résolution en une mauvaise ? » On ferma alors la petite malle qui renfermait mes livres, et on la porta au juge. Ma sœur, interrogée après moi, rendit le même témoignage à la vérité.

« Alors le mandarin ordonna de nous battre violemment, et pendant que les satellites exécutaient ses ordres, il criait : « Changeras-tu de résolution ? persévéreras-tu dans ton dessein ? sens-tu les coups ? — Comment pourrais-je ne pas les sentir ? — Change donc de résolution. — Non, j’en ai changé à l’époque où, pour la première fois, j’ai lu les livres chrétiens, je n’en changerai plus. — Et pourquoi ne veux-tu plus changer ? — Du sein de l’ignorance ayant aperçu la vérité, je ne puis l’abandonner. » On frappait sans discontinuer, nous ne cessions de répéter les noms de