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prêts au martyre, puisqu’à chaque instant ils pouvaient tomber entre les mains des persécuteurs.

Voici un extrait du compte rendu annuel que M. Maubant envoya à la fin de 1837, au séminaire des Missions-Étrangères :

« Les chrétiens captifs pour la foi hors de la capitale n’ont éprouvé aucun mauvais traitement qui soit venu à ma connaissance. Ils souffrent surtout du manque de vivres et de vêtements. L’un d’eux, le frère de l’un des trois élèves que j’envoyai l’an passé à Macao, avait reçu du mandarin la liberté de sortir, de se promener et de travailler hors de la prison, pourvu qu’il y reparût le soir : il s’est échappé. Il ne paraît pas que cette évasion doive nous attirer aucune mauvaise affaire. Je n’ai pas ouï dire que l’on ait gardé plus strictement les autres chrétiens prisonniers. Le 13 décembre dernier, ceux de la capitale ont subi l’interrogatoire et les tortures. L’un d’eux en fait ainsi le détail :

« Le 6e jour de la onzième lune, à l’heure ordinaire des séances (sur les deux heures de l’après-midi), on nous amena moi et ma sœur, et l’on nous fit comparaître devant le tribunal. Tang-sang-ni était assis, ayant à sa droite et à sa gauche nombre de satellites armés de rotins. Le juge criminel me demanda mon nom, ajoutant : « La doctrine perverse (c’est ainsi qu’ils appellent notre sainte religion) est contraire à la reconnaissance due aux pères et mères, et d’ailleurs prohibée en Corée par le gouvernement ; comment l’as-tu embrassée ? — Ce n’est point une doctrine perverse ; les membres de la religion du Maître du ciel, qui en observent les préceptes, doivent honorer leur roi, aimer tendrement leurs parents, et leur prochain comme eux-mêmes. Qui peut dire qu’une telle doctrine est contraire à la reconnaissance due aux pères et mères ? — Sais-tu lire l’écriture chinoise ? — Non. — Comment as-tu donc pu apprendre cette doctrine, ne sachant pas lire ? — Pour observer cette religion, il n’est pas nécessaire de connaître les caractères chinois, car elle est traduite en langue coréenne que je sais lire. Quelle difficulté aurais-je eu à l’apprendre ? — Quel âge as-tu ? Tu ne sacrifies pas à tes parents. Aux yeux de tout le monde, ceux qui n’offrent pas des sacrifices à leurs aïeux sont pires que des chiens et des pourceaux ; ils doivent être mis à mort. Voudras-tu mourir plutôt que d’abandonner ta religion ? — Il est certain que ces sacrifices sont vains et inutiles, et qu’il faut rejeter les vanités et les erreurs pour embrasser la vérité. Servir la table pour ses pères et mères endormis, et s’imaginer qu’ils vont manger en dormant, ne serait-ce pas une folie ? Sans doute ; eh bien ! n’en est-ce pas