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et procès, en un mot pour tout ce qui pressait le plus. C’est alors qu’ils purent se convaincre que les divers rapports sur le nombre des chrétiens coréens étaient très-exagérés. Aucun dénombrement régulier n’avait encore été fait, et tout ce qui en avait été dit ne l’avait été que par conjecture. D’ailleurs, par suite des persécutions et de l’abandon prolongé dans lequel avait été laissée la mission de Corée, le nombre des néophytes avait beaucoup diminué, de sorte qu’au lieu de vingt ou quarante mille fidèles, les missionnaires n’en trouvèrent que six mille. La plus grande partie de ces pauvres chrétiens habitaient les montagnes où ils plantaient du tabac, et où ils n’avaient souvent pour se nourrir, durant plusieurs mois de l’année, que des herbes, des racines et des feuilles d’arbres. Plusieurs même moururent de faim en 1837. MM. Maubant et Chastan vinrent au secours des plus nécessiteux, en leur distribuant le peu d’argent qu’ils avaient en leur possession. Ils purent aussi aider un peu les confesseurs de la foi, qui étaient détenus dans quatre ou cinq prisons différentes.

Malgré toutes les difficultés de cette première expédition, entravée par la longue maladie de M. Maubant, par le peu de connaissance que les missionnaires possédaient de la langue et des mœurs du pays, le résultat général fut très-consolant. Dans la partie de la Corée visitée en 1837, il y eut 1,237 baptêmes (y compris les baptêmes d’adultes et d’enfants païens), 2,078 confessions et 1,950 communions.

Les chrétiens admis à participer aux sacrements furent d’abord les seuls à connaître la présence des missionnaires. Dans une même famille chrétienne, les uns savaient qu’il y avait en Corée des prêtres européens, les autres l’ignoraient. La crainte de rencontrer quelque traître ou quelque indiscret, dans un si grand nombre de personnes, faisait tenir cette ligne de conduite. Mais il fut impossible de conserver longtemps le secret. Peu à peu tous les chrétiens, même les moins fervents, le connurent, et il vint même jusqu’aux oreilles des païens. On commençait à se raconter tout bas qu’il y avait dans le royaume des hommes venus d’un pays éloigné de neuf mille lieues. Deux paysans s’entretenaient un jour sur ce sujet. L’un d’eux objecta les difficultés insurmontables qui empêchaient les étrangers d’entrer en Corée.

« Dans la religion chrétienne, répliqua l’autre, il y a des secrets que nous ne connaissons pas. Quand Jésus envoie ses disciples, ceux-ci trouvent toujours le moyen d’atteindre leur but. » Ces propos, et plusieurs autres du même genre, furent rapportés aux missionnaires, et ils comprirent qu’ils devaient se tenir toujours