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sans difficulté. Les voyageurs traversèrent ensuite le désert, et arrivèrent sur les bords du fleuve Va-lu-kiang qu’ils passèrent sur la glace, à la faveur d’une nuit obscure, laissant à gauche la ville d’I-tchou (Ei-tsiou) et sa terrible douane. Cette douane est la plus stricte de toutes. En sortant de Corée, les voyageurs y reçoivent un passeport sur lequel sont inscrits non-seulement leurs noms, surnoms, généalogie, profession, etc., mais encore la cause de leur voyage et la quantité d’argent qu’ils emportent pour faire le commerce. À leur retour, ils doivent présenter ce passeport, et prouver par un bordereau de leurs marchandises que les prix réunis équivalent à la somme déclarée auparavant.

M. Chastan fut conduit dans une maison qu’on avait préparée hors de la ville. Il y arriva accablé de fatigue, mais bien heureux de se trouver enfin en Corée. « Je ne sais pas ce qui m’y attend, écrivait-il alors ; je suis résigné à tout, parce que je travaillerai à la gloire de mon Dieu, au salut des âmes et de la mienne en particulier. Je suis content. Toute ma confiance est dans le Seigneur. C’est de lui que j’attends la force de souffrir pour son saint nom si l’occasion se présente. » Le missionnaire se revêtit d’un habit de toile fort grossière, d’un capuchon qui ne lui laissait à découvert que les yeux, le nez et la bouche ; enfin d’un grand chapeau en forme de cloche, surmonté d’un voile en éventail pour couvrir le visage ; et, dans cet accoutrement qui est l’habit de deuil du pays, il partit pour la capitale. Il y arriva heureusement, après quinze jours de marche. Grande fut la joie des deux missionnaires en s’embrassant, et en se voyant réunis dans cette mission après laquelle ils avaient tant soupiré. Pleins de reconnaissance, ils adorèrent ensemble les desseins de Dieu, et lui renouvelèrent l’offrande d’eux-mêmes et le sacrifice de leur vie.

Le 15 janvier, le jour même où M. Chastan entrait en Corée, une pauvre veuve s’envolait au ciel, après avoir eu les jambes brisées et les lèvres déchirées dans les tortures. Le récit de ces supplices, la possibilité, à chaque minute, de tomber entre les mains des persécuteurs, firent une vive impression sur le missionnaire nouvellement arrivé : « Je compris alors, dit-il, que le martyre considéré dans l’oraison à quelques mille lieues de distance, ou bien dans le lieu même et à la veille du jour où on peut le subir, produit un effet très-différent. »

M. Maubant n’avait pu encore donner que très-peu de temps à l’étude de la langue. Les chrétiens étaient tellement empressés de recevoir les sacrements, tellement avides de s’instruire sur