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ans, il visita les chrétiens chinois dépourvus de pasteur et leur administra les sacrements. « Prêcher, entendre les confessions, aller administrer les malades, quelquefois à dix lieues de distance, voilà mes occupations journalières. Je jouis d’une tranquillité passable. Je ne me mets nullement en peine de ma nourriture : les chrétiens y pourvoient abondamment. Je ne suis ni riche, ni pauvre, je ne manque de rien ; aussi je ne désire rien, si ce n’est de plaire à Dieu et de sauver les âmes que l’ignorance ou les passions font tomber dans les pièges du démon. »

« Si je n’ai pu entrer en Corée, écrivait-il un peu plus tard, je n’ai point, en attendant, perdu mon temps. Je l’ai employé à administrer un district où il y a plus de deux mille confessions annuelles. J’ai eu dans la seconde administration la douce consolation de voir que la première n’avait pas été stérile. J’ai aperçu un changement notable dans les mœurs et la conduite de ces pauvres chrétiens, qui auparavant croupissaient dans l’ignorance de certains devoirs de la première importance. Ils ont pour moi et j’ai pour eux une grande affection. Ils ignorent encore que dans peu je vais me séparer d’eux. S’il était en leur pouvoir de me retenir, je me tirerais difficilement de leurs mains. »

Les chrétiens administrés par M. Chastan étaient disséminés dans plus de vingt villages, sur un espace d’une cinquantaine de lieues. Les fatigues de cette pénible administration occasionnèrent au missionnaire une dangereuse maladie, et c’est alors qu’on put voir l’affection profonde qu’il avait su inspirer à ses ouailles. Les chefs de villages venaient de dix, vingt et même trente lieues pour le visiter et le servir dans sa maladie. Pendant ce temps, M. Maubant pénétrait heureusement en Corée, et il écrivait à son cher confrère, demeuré en Chine, de venir se présenter à la frontière coréenne à la fin de l’année 1836. À peine rétabli, M. Chastan songea à son départ. Dans tous les villages où il passait, les chrétiens, avertis de son intention, répandaient des larmes amères, sachant qu’ils ne le reverraient plus. C’est au milieu de ces témoignages de dévouement qu’il se mit en route.

Il arriva à Pien-men le jour de Noël 1836. Le 28 décembre, les courriers coréens y arrivèrent de leur côté. « Pourrez-vous marcher, comme un pauvre homme, avec un paquet sur l’épaule ? dirent-ils au missionnaire. — Très-certainement, repartit celui-ci, d’autant plus que je ne suis pas fort riche. » On se mit en route le 31 décembre à minuit. La première douane fut franchie