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environ trois mois, je ne veux pas manquer de vous écrire de nouveau avant de m’embarquer pour la Corée, ce qui aura lieu dans quelques jours. Qu’il me serait doux de pouvoir vous embrasser encore une fois, avant d’entreprendre ce long et périlleux voyage ! Je vous l’ai déjà dit et je vous le répète : plus je me vois éloigné de vous, plus je sens mon affection s’accroître. Ô mon cher père ! ô ma chère mère ! pardon, mille fois pardon des peines que je vous ai données et que je vous donne encore. Toute la famille s’imaginait qu’elle allait être heureuse lorsque je serais prêtre, et voilà qu’aussitôt élevé à cette sublime dignité, je la plonge dans la plus grande affliction, en m’éloignant d’elle pour toujours. Qu’en dites-vous, ma chère Virginie, ma chère Apollonie ? Combien de fois avez-vous fait couler les larmes de mes chers parents, en faisant retentir à leurs oreilles ces paroles : « Nous ne verrons plus notre frère ! que lui avions-nous fait pour qu’il nous quittât de la sorte ? Ne l’aimions-nous pas assez ? Hélas ! il le savait bien : nous avions sans cesse son nom à la bouche, et nous ne pouvions contenir notre joie quand nous le voyions revenir dans la famille. » Cela est bien vrai, mes chères sœurs, mes chers frères, vous m’aimiez, et je puis vous assurer que je vous aimais bien, et que je vous aime à présent encore davantage.

« Si je n’avais consulté que cette affection naturelle que tout bon fils doit avoir pour un bon père, une bonne mère, de tendres frères, de tendres sœurs, rien n’aurait pu m’arracher d’auprès de vous. Ainsi pensais-je à l’âge de dix-sept ans, quoique le Seigneur eût donné de fortes secousses à mon cœur pour le détacher des parents, des amis, de la patrie, et m’envoyer dans les pays étrangers, porter l’Évangile aux pauvres infidèles. L’âge, les réflexions, la lecture des bons livres dont malgré votre pauvreté vous n avez cessé de me pourvoir, et surtout la grâce du Seigneur, toute-puissante sur un cœur qui veut être docile à ses divins attraits, m’ont arraché d’auprès de vous. Dieu soit à jamais béni pour un bienfait qui vous regarde aussi bien que moi ! Je crois et j’espère que notre éloignement tournera à notre plus grand bien, tandis qu’en demeurant auprès de vous, ç’aurait peut-être été pour notre commun malheur. Voici comment. Vous savez qu’un chrétien ne peut être heureux en ce monde et en l’autre qu’en remplissant les devoirs de son état. Tout prêtre qui négligerait les siens serait doublement malheureux. Oui, si votre pauvre Jacques, obligé, en qualité de prêtre, d’être tout dévoué à la plus grande gloire de Dieu et au salut des âmes, eût voulu par un