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toutes les matières difficiles. Les plus hautes dignités leur sont accessibles, et s’ils y renoncent, leur crédit n’en est que plus grand, et leur influence près du roi et des ministres plus réelle. Quand le christianisme s’introduisit en Corée, la plupart des néophytes étaient des docteurs célèbres, et le roi Tsieng-tsong avait pour eux une si grande considération que, malgré toutes les intrigues de leurs ennemis politiques et religieux, il ne put jamais se décider à les sacrifier. Ce ne fut qu’après sa mort arrivée en 1800, et pendant une minorité, que l’on réussit à les faire condamner à mort. Il n’est pas rare de rencontrer, encore aujourd’hui, des païens amenés à la foi par la renommée scientifique et littéraire de ces premiers convertis.

Il y a, cependant, entre la Chine et la Corée, au sujet des études littéraires et des examens publics, deux différences notables. La première est que, en Corée, les études n’ont absolument rien de national. Les livres qu’on lit sont des livres chinois ; la langue qu’on étudie est, non pas le coréen, mais le chinois ; l’histoire dont on s’occupe est celle de la Chine, à l’exclusion de celle de Corée ; les systèmes philosophiques qui trouvent des adeptes sont les systèmes chinois, et par une conséquence naturelle, la copie étant toujours au-dessous du modèle, les savants coréens sont très-loin d’avoir égalé les savants chinois.

Une autre différence beaucoup plus importante, c’est que, tandis que la Chine entière est une démocratie égalitaire sous un maître absolu, il y a en Corée, entre le roi et le peuple, une noblesse nombreuse, excessivement jalouse de ses privilèges, et toute-puissante pour les conserver. Le système des examens en Chine sort naturellement de l’état social ; en Corée, au contraire, il lui est antipathique. Aussi, dans l’application, voyons-nous ce qui arrive toujours en pareil cas, une espèce de compromis entre les influences contraires. En droit, et d’après la lettre de la loi, tout Coréen peut concourir aux examens, et, s’il gagne les grades littéraires nécessaires, être promu aux emplois publics ; en fait, il n’y a guère que des nobles qui se présentent au concours, et celui qui à son titre de licencié ou de docteur ne joint pas un titre de noblesse, n’obtient que difficilement quelque place insignifiante, sans aucun espoir d’avancement. Il est inouï qu’un Coréen, même noble, ait été nommé à un mandarinat important, sans avoir reçu son diplôme universitaire ; mais il est plus inouï encore, qu’avec tous les diplômes possibles, un Coréen non noble ait été honoré de quelque haute fonction administrative ou militaire.