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Quant aux bandits ou voleurs proprement dits, ils sont très-souvent les affidés des satellites, et ceux-ci ne les livrent au mandarin que quand ils y sont absolument forcés.

Dans les grandes villes, il y a toujours sous la main des satellites quelques filous responsables, payés par la police pour être déférés aux tribunaux quand le peuple perd patience, et que les mandarins menacent plus que d’habitude. Avant de les empoigner on convient d’avance des quelques méfaits, relativement minimes, qui seront déclarés par les satellites et avoués par les accusés ; sur tous les faits graves, on garde un silence profond, et il est rare que les vrais coupables subissent le juste châtiment de leurs crimes. D’ailleurs le gouvernement tolère beaucoup de voleurs notoires, afin d’avoir sous la main, en cas de besoin, des auxiliaires aussi peu scrupuleux que déterminés. À la capitale, il y a une bande de filous, à peu près reconnue par l’autorité, et dont les déprédations restent impunies. Si le propriétaire lésé peut faire parvenir sa plainte au mandarin, dans les trois jours qui suivent le vol, les objets enlevés lui sont généralement rendus. Mais les trois jours écoulés, les voleurs deviennent maîtres de tout ce qui n’est pas réclamé, et le vendent à bas prix à des receleurs. Dans beaucoup de villages, il y a des voleurs bien connus des habitants et protégés par eux contre les recherches des agents du mandarin. Peut-être en agit-on quelquefois ainsi par une commisération mal entendue, mais, le plus souvent, c’est par crainte de la vengeance que ces bandits ou leurs associés pourraient tirer de ceux qui les livreraient.

On peut aisément conclure de tout ce qui précède, combien il est difficile, en Corée, d’obtenir justice quand on n’a pour soi que son bon droit, sans argent ni protections. En théorie, chacun peut librement s’adresser au mandarin, et lui présenter ses plaintes ; en fait, les accès du tribunal sont si bien gardés par les prétoriens ou satellites, qu’il faut, bon gré, mal gré, passer par leurs mains, et réussît-on à remettre directement la pétition dans les mains du mandarin, qu’on n’y gagnerait rien, puisque par ce procédé on mettrait contre soi l’influence toute-puissante de ses subalternes. Aussi, d’ordinaire, on s’adresse d’abord aux gens du tribunal, et, si l’affaire est importante, ceux-ci tiennent conseil, examinent ce qu’il faut déclarer, ce qu’il faut cacher, ce qui peut être avoué sans inconvénient, ce qui doit être nié, et enfin de quelle manière et sous quel point de vue il faut présenter la chose au juge. Puis, moyennant une somme plus ou moins ronde, ils se chargent de la réussite du procès. Bien peu