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prétend que leur paye fut supprimée après la guerre du Japon, lorsque le gouvernement se trouva sans ressources. On ne leur donne aujourd’hui que quelques mesures de pois, chaque mois, quand ils sont de service. C’est la ration qui, à l’origine de la dynastie actuelle, était assignée à chacun d’eux pour nourrir son âne ou son cheval. Comment après cela les empêcher de piller le peuple, et de commettre toutes les injustices imaginables ? Ces dignités de la cour sont cependant recherchées, parce que ceux qui les possèdent peuvent toujours, avec un peu d’adresse, obtenir en peu de temps quelque riche mandarinat de province.

Le système d’administration civile et militaire que nous venons d’exposer est complété par une pièce importante, l’institution des e-sa ou anaik-sa : inspecteurs royaux. Ce sont des envoyés extraordinaires qui, à des époques indéterminées, et toujours en secret, visitent les provinces, surveillent la conduite des mandarins et des sujets, et examinent de leurs propres yeux la marche des affaires. Leur autorité est absolue ; ils ont droit de vie et de mort ; ils peuvent dégrader et punir tous les employés, sauf les gouverneurs de province, et c’est presque toujours sur leurs rapports que le gouvernement prend les décisions les plus importantes.

Il est inutile d’ajouter que toutes les charges et emplois ne sont plus en faveur du peuple, sinon dans les vieux livres de morale d’autrefois. Les places se vendent publiquement, et naturellement ceux qui les achètent travaillent à rentrer dans leurs frais, sans même chercher à sauver les apparences. Chaque mandarin, depuis le gouverneur jusqu’au plus petit employé subalterne, bat monnaie le mieux qu’il peut, avec les taxes, avec les procès, avec tout. Les inspecteurs royaux eux-mêmes trafiquent de leur autorité avec la dernière impudence. Un missionnaire raconte qu’un jour, dans le district où il se trouvait, quelques individus secrètement renseignés arrêtèrent deux chevaux chargés d’argent qu’un de ces fonctionnaires expédiait chez lui, et, s’installant sur le bord de la route, distribuèrent cette somme à tous les passants, en publiant bien haut la provenance de cette bonne aubaine. L’inspecteur compromis n’eut garde de réclamer, et quitta immédiatement la ville sans dire mot de son aventure.

Les impôts ordinaires sur les propriétés, sur certaines professions et certains genres de commerce ne sont pas excessifs, mais ces impôts légaux ne représentent en réalité qu’une faible partie des sommes qu’arrache au peuple la rapacité des mandarins et des employés de tout grade. D’ailleurs, les registres de dénom-