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composés pour réfuter les superstitions des païens, ou pour instruire les néophytes. Plusieurs de ses écrits, souvent cachés sous terre en temps de persécution, ont été rongés par les vers ou par la pourriture ; beaucoup sont conservés dans sa famille. Après son entière réintégration, Jean ne changea rien à son genre de vie retirée, et sa ferveur toujours croissante réjouit et édifia tous les chrétiens, que sa chute avait autrefois scandalisés. Il mourut en 1835, après l’entrée du P. Pacifique en Corée, et reçut les derniers sacrements de sa main.

Ajoutons de suite, pour compléter l’histoire de Jean Tieng, que son fils Hong-iou-san, homme très-remarquable par ses talents et ses connaissances, après avoir longtemps manifesté un grand éloignement pour la religion chrétienne, qu’il accusait de tous les malheurs de sa famille, finit par se convertir, et reçut le baptême quelques années avant sa mort. Une sœur de Jean était belle-fille du ministre Tsaï, dont nous avons parlé à l’occasion de la persécution de 1801. Devenue veuve dès l’âge de seize ans, elle passa une vie triste et solitaire dans la famille toute païenne de son mari. Elle eut enfin le bonheur, dans sa vieillesse, d’embrasser la foi, et, quand elle mourut, en 1851, le prêtre indigène Thomas T’soi trouva le moyen de s’introduire furtivement auprès d’elle pour lui administrer les sacrements.

Pendant que Jean Tieng reprenait son rang dans la haute noblesse du royaume, un autre noble chrétien, exilé comme lui lors de la grande persécution, mourait à Mou-san, à l’extrémité de la province septentrionale, après trente ans de privations et de souffrances. C’était Justin Tsio Tong-sien-i, déjà bien connu de nos lecteurs. Pris à Iang-keun, à la fin de 1800, et conduit à la capitale, il fut condamné à l’exil, quoique très-probablement il n’eût jamais donné le moindre signe d’apostasie. Il continua toujours à pratiquer la religion, et supporta avec un calme héroïque le départ de son fils, qu’on enlevait d’auprès de lui, pour le condamner aux tortures et à la mort. En 1819, l’arrestation de Pierre Tsio Siouk-i, l’un de ses parents, fut cause qu’on lui fit subir un nouvel interrogatoire. Le mandarin lui demanda s’il pratiquait encore sa religion ; Justin répondit : « Si je ne la pratiquais plus, serais-je dans cette position ? — Si tu t’obstines à résister à l’ordre du roi, on te mettra à mort et avec toi celui de ta famille que l’on vient de prendre. — Je ne crains rien de tout cela, répondit Justin, faites ce que vous voudrez. » Dès ce moment, le mandarin donna des ordres pour ne plus laisser communiquer personne avec lui. Beaucoup de ceux qui le