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nombre des spectateurs, d’un air complaisant, me chargea sur son dos, et le chef de la prison soutenant le haut de ma cangue, je fus porté ainsi dans une chambre de la prison.

« Pendant que ce jeune homme me soutenait couché dans ses bras, le chef de la prison, quelques prisonniers chrétiens et d’autres personnes se mirent à me presser doucement tous les membres, et à bander mes blessures. J’ouvris les yeux, et je vis mes jambes en lambeaux et le sang coulant de toutes parts ou caillé sur les plaies. Hélas ! Jésus, dont le corps ne devait pas être plus fort que le mien, répandit une sueur de sang au jardin des Olives. Il subit la flagellation, et chargé de sa croix, il marcha plus de mille pas, jusqu’au sommet d’une haute montagne. Personne ne le regardait en pitié, et il n’y avait pas un chrétien pour lui venir en aide. Et moi, grand pécheur comme je suis, on me porte ainsi compassion et secours, on s’efforce de me faire revenir à la connaissance. Quelles actions de grâces ne serait-il pas juste de rendre ? Et cependant, dans ma faiblesse je ne sais pas même remercier. Anges et saints du paradis, et vous tous mes amis, veuillez bien rendre grâces à Dieu, en ma place, pour ce bienfait ! Plus j’avance, plus les grâces et faveurs divines augmentent. Le temps d’un repas ne s’était pas écoulé, que mes douleurs avaient disparu. Trois jours se sont passés depuis, et mes plaies ne me font pas trop souffrir. Je ne puis, il est vrai, faire usage des jambes, et une lourde cangue m’écrase, mais je prends un peu de nourriture, et mon cœur est très-calme. Si ce n’était le secours de Dieu et de Marie, comment par mes seules forces pourrait-il en être ainsi ? Moi qui ne pouvais pas même supporter la morsure d’un insecte ! Vraiment, je n’y comprends rien. Le 15 on a dépêché vers le roi ; la réponse viendra, dit-on, vers le 20 ; quelle sera-t-elle ? Je l’attends avec anxiété. J’ai mis tout mon espoir en Dieu seul ; mais je suis sans mérites et tout couvert dépêchés, quel sera son ordre sur moi ? Plus la fin est proche, plus je crains la mort et plus je tremble d’être rejeté.

« Le 16, quand je me réveillai, mes jambes se trouvèrent plus légères et les douleurs grandement diminuées. Je reçois bienfait sur bienfait, comment remercier le Seigneur ? Un jeune chrétien se trouve près de moi, fait toutes mes commissions et me sert sans relâche ; n’est-ce pas encore une grâce ? D’autres chrétiens que je n’avais jamais vus, dont je n’avais jamais entendu parler, viennent de temps en temps me trouver. Les uns me donnent quelque argent, les autres me consolent. C’en est trop. Il semble que toutes les faveurs se soient réunies sur moi