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je la suivrai. Et vraiment n’est-ce pas elle qui m’attire à sa suite ? » En même temps une joie mêlée de tristesse s’élevait dans mon cœur.

« Je fus bientôt traduit devant le gouverneur qui, accompagné du juge, me fit quelques questions auxquelles je répondis comme la veille. Mais tout l’appareil était dix fois plus terrible que chez le juge criminel. « Es-tu donc bien décidé à rester chrétien ? demanda le gouverneur. — Je le suis. — Qu’est-ce que Dieu ? — C’est le roi et le père suprême de tout l’univers. Lui seul a créé le ciel, la terre, les esprits, les hommes et tout ce qui existe. — Comment le sais-tu ? — D’une part, examinant notre corps, et de l’autre, considérant toutes les créatures, peut-on dire qu’il n’y a pas un créateur de ces choses ? — L’as-tu vu ? — Ne peut-on donc croire qu’après avoir vu ? Le mandarin a-t-il vu l’ouvrier qui a construit ce tribunal ? Ce que nous appelons les cinq sens ne nous font percevoir que les sons, les couleurs, les odeurs, les saveurs et choses semblables ; mais pour les principes, la raison et toutes les choses immatérielles, c’est l’esprit qui les fait distinguer. » Après quelques instants, il ajouta : a Dis-moi tout ce que tu as appris. — Je sais les dix commandements qu’il faut suivre, les sept péchés qu’il faut éviter, et les prières que nous adressons à Dieu le matin et le soir. — Pour cela, je l’ai déjà entendu, mais à la fin ne te rétracteras-tu pas ? — Je ne le puis. Un enfant qui ne sert pas son père, un sujet qui ne sert pas son roi, sont des impies et des rebelles. Comment étant homme pourrais-je ne pas servir Dieu ? — Ne crains-tu pas la mort ? — Pourquoi ne la craindrais-je pas ? — S’il en est ainsi, comment n’abandonnes-tu pas cette religion ? — La raison pour laquelle je ne puis l’abandonner, je vous l’ai donnée à l’instant : veuillez ne pas m’interroger de nouveau. J’en serai quitte pour mourir. » On me fit reconduire à la prison.

« Le lendemain, le mandarin de Tsien-tsiou ainsi que ceux de Ko-san, de Kok-sieng, de Tong-pak, et de Tieng-euk s’étant assis, et ayant renvoyé tous leurs suivants, me firent approcher tout près de la barre, et le mandarin de Tsien-tsiou me dit d’une voix très-modérée : « Toi, enfant de noble, tu n’es pas comme ce peuple ignorant. Tu es bel homme d’ailleurs, comment donc peux-tu t’obstiner à suivre cette mauvaise religion ? — Quand il s’agit de principes, il n’y a pas de supérieur ni d’inférieur, de noble ni de roturier, de visage plus ou moins avantageux : c’est seulement l’âme qui peut et doit faire la distinction. — Dans cette religion du maître du ciel quel principe peut-il y avoir ? » Après quoi, le mandarin de Tong-pak m’engageant à dire quels étaient les dogmes du christianisme, je rap-