Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/555

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas de remède. » On appela ensuite le gardien pour me remettre entre ses mains, et je fus conduit dans une maison particulière. Après quelques jours, je pus me lever, sans toutefois être capable de marcher. Mon estomac refusait tout aliment, et je ne prenais guère qu’un peu de vin,

« Quelques jours plus tard, on me porta devant le gouverneur. Tous les chrétiens prisonniers étaient réunis. J’attendais devant la porte, assis et appuyé sur ma cangue. Les valets et les prétoriens se moquaient de moi ; les uns frappaient la cangue avec les pieds ; les plus méchants montaient dessus pour la faire peser davantage ; tous n’avaient pour moi que des injures. Je comparus le premier. Le gouverneur me dit : « Es-tu noble ? — Je répondis : Qu’importe ! quelle est ici la différence de noble à roturier ? — Si vous autres chrétiens voulez suivre cette religion, pourquoi ne le faites-vous qu’en cachette ? » Puis il m’ordonna de déclarer nommément le propriétaire de chaque livre, image et autre objet religieux. « Dans l’interrogatoire, repris-je, tous les prisonniers ayant jeté la faute sur moi, on m’a pressé de faire des aveux, et si je disais ne pas savoir, on redoublait les tortures, exigeant absolument que je prisse la responsabilité de tout. N’y pouvant plus tenir, j’ai accepté cette responsabilité. Maintenant, vous voulez que je dise à qui appartient chaque objet. Comment pourrais-je le savoir ? — As-tu des tablettes ? — Je n’en ai pas. — Et pourquoi n’en as-tu pas ? — Resté seul d’une famille ruinée, sans maison et toujours errant de côté et d’autre, n’ayant pas même où les placer, je n’en ai pas. — Ne fais-tu pas les sacrifices aux ancêtres ? — Aux jours anniversaires, je prépare seulement de la nourriture selon mes moyens, et je la partage avec les voisins, — Manges-tu alors sans faire même les génuflexions ? — Je ne fais pas les génuflexions. » Puis, sans autres questions, on me remit au geôlier.

« Le lendemain on me porta devant le mandarin du district ; tous les prisonniers chrétiens y étaient. Nous comparaissions cinq par cinq, et on nous donnait la bastonnade sur les jambes. Mais quoique l’on frappât vigoureusement, ce n’était rien auprès du supplice de la courbure des os. Ensuite, on déliait les accusés, on leur passait la cangue, et on leur mettait les fers aux pieds et aux mains. À moi seulement on ne mit pas les fers aux pieds, parce qu’ils étaient trop enflés. Quand on nous reconduisit à la prison, le mandarin, voyant mon état, dit au prétorien de me faire ôter la grande cangue et de la remplacer par une plus légère, et pour la première fois elle me fut enlevée. Mes jambes étaient telle-