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tirer une vengeance éclatante. Il prit donc des livres de religion, et sans réfléchir, sans doute, aux suites de sa démarche, les porta au mandarin de Kok-sieng, en lui dénonçant comme propriétaires son ennemi Han Paik-kiem-i, et quelques autres chrétiens dont il croyait avoir à se plaindre. Il est triste de voir cette misérable querelle entre chrétiens, devenir la cause de tant de ruines, occasionner tant d’apostasies, et amener la perte de tant d’âmes rachetées du sang de Jésus-Christ !

Le mandarin de Kok-sieng ayant en main des preuves manifestes, n’hésita pas un instant, et donna immédiatement ses ordres pour saisir les chrétiens. C’était à la deuxième lune de 1827. Alors se présenta de nouveau le spectacle déchirant de ces pauvres fidèles livrés à la merci de satellites féroces et avides ; d’hommes, de femmes et d’enfants, dépouillés brutalement de tout ce qu’ils possédaient, entassés dans les prisons, mis à la question et torturés sans pitié. Peu à peu, soit par suite de dénonciations arrachées aux chrétiens faibles, soit parce qu’un incendie une fois allumé se communique naturellement à tout ce qui est proche, la persécution s’étendit de district en district, dans toute la province.

Beaucoup de chrétiens cherchaient leur salut dans la fuite ; les autres attendaient chez eux, ou sur les montagnes environnantes, le sort que Dieu leur réservait, et ni les uns ni les autres ne parvenaient à éviter les satellites qui pénétraient partout et gardaient soigneusement toutes les routes. Ceux que l’on dédaignait de saisir, laissés par le pillage sans vivres, sans ressource, n’osaient se féliciter d’avoir été épargnés, car il ne leur restait qu’à mourir de faim et de misère. Nous n’avons aucun détail sur les divers interrogatoires subis par les néophytes, dans les différentes petites préfectures où ils furent d’abord conduits. Quelques-uns des plus lâches apostasièrent de suite, mais le plus grand nombre furent transférés au tribunal de Tsien-tsiou, métropole de la province.

Pendant le cours de la troisième lune, tout le nord de la province fut aussi envahi. Au district de Keum-san, parmi les chrétiens saisis se trouva un nommé Kang qui, par crainte de ne pas se conduire assez courageusement devant les juges, se donna lui-même la mort en route, dans un accès de folie.

Au district de Ko-san, on arrêta nombre de chrétiens, et presque tous furent aussi conduits à Tsien-tsiou. Les captifs se trouvèrent réunis dans cette ville au nombre de plus de deux cent quarante, parmi lesquels beaucoup de femmes. Soit que les prisons fussent