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tombent dans l’eau ou dans le feu, nous ne sommes plus maîtres de nous-mêmes et nous perdons la tête.

« 8o L’état de persécution permanente nous oblige d’écrire cette lettre sur de la soie, afin que le porteur puisse la cacher dans ses vêtements. Le danger de perdre la vie est, pour lui, de dix mille contre un. C’est pourquoi nous ne pouvons envoyer à Votre Sainteté des livres volumineux. Nous envoyons seulement les actes du martyre du missionnaire, de la catéchiste Colombe, et de quelques autres, environ dix en tout ; avec les noms et surnoms de quarante-cinq qui se sont le plus distingués. Leurs actes remplissent plusieurs volumes que nous prendrons humblement la liberté de vous faire parvenir à la première occasion ; car nos concitoyens martyrs, quoique d’un pauvre royaume étranger, ont eu le bonheur d’être admis dans la sainte religion, leurs noms et leurs mérites sont écrits dans le livre de ceux qui sont morts pour la justice. Ils sont véritablement agréables à Dieu ; ils sont aimés de la sainte Vierge, et des saints anges ; ils ne seront pas moins agréables à Votre Sainteté qu’ils le sont à Dieu. Par les mérites de nos martyrs, nous espérons recevoir au plus tôt le secours spirituel que nous demandons avec mille et dix mille larmes de sang.

« Le 24 de la dixième lune de l’année sin-ou (9 décembre 1811). »


En lisant ces lettres des chrétiens de Corée, l’histoire de leurs martyrs, l’exposé des souffrances des néophytes, leurs instantes supplications pour obtenir un pasteur, l’évêque et les quelques missionnaires qui étaient encore avec lui, versèrent d’abondantes larmes. Malheureusement il était impossible de satisfaire à ces ardents désirs des Coréens, et de leur envoyer un prêtre. L’église de Péking elle-même, privée à la suite de la Révolution française, de presque tout secours d’Europe, en butte à la persécution qui renversait les églises, massacrait ou exilait les missionnaires et les prêtres indigènes, et venait de détruire le séminaire, l’église de Péking, disons-nous, pouvait à peine se suffire ; et l’évêque, le cœur brisé, dut renvoyer Jean Ni Ie-tsin-i, sans même lui faire aucune promesse pour l’avenir.

Le voyage toutefois eut un heureux résultat. Les rapports avec la Chine étaient rétablis, et des précautions prises pour les rendre désormais plus réguliers et plus faciles ; cela seul était un encouragement et une espérance pour les pauvres fidèles de Corée, qu’un isolement absolu aurait réduits au désespoir. Jean