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soient libres, que les royaumes se conservent, et que la paix règne parmi les peuples. Il faudrait aussi expliquer très-clairement la doctrine du christianisme, et persuader avec toute sincérité et de la meilleure manière possible, que les prêtres ne cherchent point à conquérir le royaume, mais qu’ils viennent uniquement pour exercer la charité. Peut-être que, par ce moyen, nos compatriotes ouvriraient les yeux, sentiraient leurs soupçons se dissiper, et verraient la vérité. Ils savent depuis longtemps que les Européens excellent dans les arts, les sciences, la prudence et les autres talents. Ils n’ont garde de se mesurer avec eux, ou de les offenser. Ils savent très-bien que les prédicateurs européens parcourent tout le monde, sans qu’aucun d’eux pense à s’emparer des royaumes étrangers. Mais notre petit royaume est rempli de soupçons et de crainte. Il ne pourra se déterminer de lui-même ; certainement il enverra à Péking, pour avertir l’empereur et recevoir ses ordres, afin de s’assurer la protection dudit empereur, et afin d’éviter d’être puni. Or, comment l’empereur pourrait-il obliger notre gouvernement à ne pas recevoir quelqu’un qui vient le complimenter et lui faire des présents ? Notre roi et ses ministres n’auront donc rien à craindre, et ne manqueront pas de faire bon accueil à cet envoyé.

« 4o Dans la mer méridionale de la Corée, qui est près de la province de Nanking et non éloignée de Macao, on rencontre beaucoup d’îles, qui n’appartiennent à personne, et qui sont cultivables et habitables. Notre royaume n’a de communication avec d’autres contrées, ni par terre, ni par mer[1] ; c’est pourquoi nous sommes grossiers et faibles. Ayant peu de talents et de connaissances, nous n’entreprenons point de naviguer dans les pays éloignés. C’est même une malédiction proverbiale parmi nous, que de dire à quelqu’un : « Va en mer. » On pourrait donc envoyer un navire de Macao pour examiner ces îles abandonnées, et s’établir dans quelques-unes de celles qui sont les plus convenables ; ou, si l’on y trouve quelques habitants, les convertir, et les faire chrétiens. Par ce moyen nous pourrions arriver peut-être à sortir de notre triste position ; mais c’est là un remède désespéré, parce qu’il demande beaucoup trop de temps. Le meilleur est de nous expédier un vaisseau directement et promptement.

« 5o On a dans ce royaume bien peu de capacité, bien peu

  1. La Chine n’est pas exceptée, parce que les communications entre elle et la Corée sont très-limitées. Elles se bornent, comme nous l’avons vu, à quelques ambassades officielles, et à une ou deux foires par an, sur la frontière, lors du passage des ambassadeurs.